Pour
son cinquième album studio, Des visages des figures, Noir
Désir a changé ses habitudes. Le rock tout en énergie a cédé sa place
à une certaine expérimentation et Noir Désir découvre les joies d’une
musique à la fois plus riche et plus aventureuse.
Jusqu’ici, Noir Désir ne laissait guère le choix que d’aimer ou détester
sa musique. Entre les inconditionnels du groupe (conquis par les textes
engagés, la fureur des guitares et l’intégrité rock) et les « antis »
(morts de rire devant cette poésie approximative et ce rock français
mal dégrossi), il restait peu de place pour les « mi-figue, mi-raisin ».
Pourtant, Noir Désir n’a
jamais mérité ni la dévotion des premiers, ni la haine des seconds,
et tout ce petit monde pourrait bien se rabibocher à l’écoute de Des
visages des figures. Car Noir Désir a quasiment tout changé dans
sa musique. Avec les expériences solos de Serge Teyssot-Gay, les tentatives
électroniques sur l’aventure « one trip one noise », le groupe
a repoussé les grilles rock traditionnelles et cessé de chevaucher les
grands chevaux de l’électricité hardcore pour ouvrir courageusement
ses chansons à de nouvelles structures, de nouvelles sensations sonores
et harmoniques.
Côté
instrumentation, les cordes et les bidouillages électroniques ont fait
leur grande entrée dans l’univers électrique ; nobles et inventifs,
ils prennent à leur charge les atmosphères tragiques et élégiaques là
où, avant, la seule voix de Bertrand Cantat se chargeait d’infuser le
drame. Les guitares, elles aussi, ont brisé leur pacte avec l’acier
et les discussions toutes en riffs. Portées sur les ballades, plus exploratrices,
elles partent en quête de sècheresse blues et s’enroulent dans des séquences
répétitives hypnotiques (L’Enfant roi).
Mais le
changement majeur dans cette affaire intéresse surtout le
chant.
Comme s’il avait enfin osé exploiter la totalité de ses capacités vocales,
Bertrand Cantat grimpe dans des gammes insoupçonnées, trouve de la douceur
dans des textes parlés où son écriture devient miraculeusement ludique
et légère. Bien sûr les fans argueront que tout cela existait déjà dans
les anciens disques et les détracteurs ne verront ici que des effets
de style trompeurs.
Qu’importe,
ils ne pourront rien redire sur la présence bénéfique de Manu Chao (Le
vent nous portera), l’intervention déglinguée de Brigitte Fontaine
sur un L’Europe tout en expérimentation, et sur cette mise en
musique d’un inédit de Léo Ferré, Des armes.
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