Pour soutenir ce que j'avance, je vous soumets
cette conférence de presse recueillie lors des Eurockéennes de Belfort
1997. Essentiellement basée sur la politique, ceci est dû à la présence
des membres du Sous-Marin (ndr : collectif de personnes preservant la
culture dans la ville de Vitrolle tombée au main du FN)
Quelle est votre impression par rapport aux Eurockéennes
?
Bertrand Cantat (chant) : C'est un très gros festival, mais ce
n'est pas la taille du festival qui fait sa valeur. Enfin ici, on a
un très bon souvenir de concerts et ce qui compte pour nous avant tout
; le moment où on monte sur scène et où le concert se déroule. On a
un souvenir de pleine lune, il y avait du monde et ça sonnait bien.
Sinon, je trouve que c'est un peu bizarre de l'avoir fait en novembre
(rires ! ndlr : le climat était ... humide), mais à part
ça, c'est bien.
Qu'est-ce qui vous plaît ici après votre troisième venue ? Est-ce
l'accueil, l'endroit ?
C'est le cachet (rires).
Et la fête de l'Huma ? (Ndlr : ils n'y ont joué qu'une fois).
La fête de l'Huma ? Là, tu n'y vas qu'une fois. Enfin, ça reste à prouver.
En ce moment on vous voit à la télé, dans la mairie de Toulon, ...
Dans la mairie ? Non, devant. Je te rassure, ils ne nous laissent pas
rentrer.
J'ai vu des gens du Sous-Marin, et j'aimerais savoir pourquoi vous
les amenez à chaque fois ?
Non, on ne les amène pas. C'est eux qui viennent et je pense qu'ils
ont une démarche essentielle. Puisqu'ils sont dans cette situation de
ville qui a été rabotée par le Front National, leur salle le Sous-Marin
(en plein centre de Vitrolles), comme on pouvait s'y attendre, s'est
vu sucrer ses subventions. Alors ils montent au créneau. Par contre
ils ne viennent pas qu'ici, ils font le tour de tous les festivals pour
expliquer ce qu'ils sont en train de vivre à Vitrolles. C'est des gens
courageux car ils se battent, sont présent et expliquent ce qui se passe.
Mais pour vous c'est un devoir de coeur de se battre pour tout ça
?
C'est un devoir tout court. Je suis sûr que tout le monde comprend pourquoi
on fait ça ... enfin moins 15 %.
N'avez-vous pas peur de l'incompréhension d'une certaine partie du
public face à vos engagements ?
Que ce soit par rapport à ton engagement, à la musique que tu fais ou
à tes paroles, il ne faut pas se préoccuper de ce que tu viens de me
dire, sinon c'est la fin. Qu'on nous comprenne ou pas, c'est secondaire
; on est ce que l'on est. On nous comprend, tant mieux. On ne nous comprend
pas, tant pis. Mais c'est vrai que vu notre statut, on ne peut pas avoir
la certitude d'être compris. Pour ce qui est des gens du Sous-Marin
ici, c'est vrai que nous avons appuyé. Sans cela je ne pense pas qu'ils
auraient été présents et aussi bien accueillis.
Comptez-vous aller à Vitrolles ?
On a déjà été à Vitrolles. Mais si l'occasion se représente, on sera
partant. Nous sommes allé au moment des élections pour faire des petits
débats et amener une prise de conscience. Mais je vous dis tout de suite,
on ne va pas parler que de ça, parce que ça devient relou. On veut bien
les aider, mais ils s'expliquent mieux que nous sur leur vécu à Vitrolles.
On m'a dit, moi qui n'ai pas la télé, que vous jouez au boys band
dans votre dernier clip. Et j'aimerais savoir quelle réflexion vous
portez sur la musique en France et la politique des boys band ?
Pourquoi, tu assimiles boys band et musique ? On peut juste dire qu'ils
ont la politique de faire du fric. Enfin, c'est le parfait produit malléable,
mais éphémère, pour engranger de l'argent. Alors pourquoi s'en priveraient-ils
? Avant tout, une maison de disque est là pour faire du fric. Et si
des gens sont assez cons pour les acheter... On prend parfois des acides,
et on s'éclate sur des boys band ; c'est comme ça qu'on oublie notre
vie misérable (rires).
Noir Désir s'agrandit, j'ai vu ...
Akosh Szelevenyi (saxophone) : Coucou.
Bertrand : Donc il est suisse (rires).
Akosh : Je ne crois pas que le groupe manquait d'un musicien.
Mais c'est une rencontre, et ces jeunes gens m'ont invité sur le disque.
Et c'était super cool.
Bertrand : On a invité Akosh et son quartet pour nos premières
parties. Et de fil en aiguille, il en est venu à jouer sur nos propres
morceaux.
Akosh : J'avais vraiment envie de jouer sur certains morceaux,
puis j'en ai fait d'autres, en essayant de ne pas trop les bousiller.
Une voix dans la foule : Il y a un blanc.
Bertrand : Il y en a même plusieurs (rires).
Entre la sortie de l'album et maintenant, un certain laps de temps
s'est écoulé. Vos morceaux ont-ils évolués depuis ?
Bertrand : Oui, notamment par la venue d'Akosh. Les morceaux
prennent une autre tournure, évoluent et c'est nécessaire. Car quand
on s'aperçoit qu'on ne fait que reproduire, c'est qu'il est l'heure
de s'arrêter. Cela dit, pour l'instant, on n'a pas d'objectifs précis,
mais des envies, notamment acoustiques. Par contre on ne sait jamais
s'il y a un prochain album.
Le Akosh quartet continue-t-il ?
Akosh : Beh oui. La semaine prochaine je rejoue dans le bar où
j'ai rencontré Noir Désir.
La dimension de Noir Désir vous fait jouer dans des grandes salles.
Cela ne fausse-t-il pas votre rapport avec le public ?
Bertrand : On a fait des concerts en Allemagne, en Hollande et
en France dans de petites salles. En plus, jouer sur une grande scène
n'est pas vraiment confortable, car on perd le côté son naturel. Mais
on a pu retrouver cet aspect. Les grandes salles sont moins bien pour
nous, et peut-être également pour le public.
Au niveau des paroles, quelle en est l'évolution et le message aujourd'hui
?
Déjà, je ne sais pas comment ça va évoluer. Il y a certaines chansons
très directes sur l'actualité, l'histoire. Mais si je ne mets pas mon
empreinte sur le morceau, cela n'aurait pas d'intérêt. Et il y a également
des choses plus intimistes, plus gratuites, je l'espère dans le bon
sens du terme, comme peut l'être la musique. Au début on nous traitait
d'intellos, puis de poètes maudits chiants, de pue la sueur ou encore
de militant, comme si on ne l'avait pas été avant. Le message global,
s'il y en a un, c'est peut-être de faire ce que l'on ressent.
Propos recueillis par David Margraf et K
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