SANS FILET

Tout le monde s'étant approprié l'âme, hissant leur dernier album en date au rang de disque d'or, NOIR DESIR, après une période de tournées intensive, a repris en novembre le chemin des écoliers. Fidèles depuis le début au studio ICP, ils y ont cette fois passé quelque deux mois, s'accordant un délai plus important que lors des précédents enregistrements. En tout cinq semaines de prises, deux de mix, avec quand même le dimanche de répis, " pour la messe et toutes ces petites choses qui font que la vie est plus douce ", et un break de " 8 jours , " tombé fortuitement pendant les fêtes ".

Entre deux trains, de retour de Bruxelles et partant pour Bordeaux, juste une étape par la maison de disques pour dupliquer le master DAT sur K7, en profiter pour donner quelques commentaires à chaud : bel effort, la fatigue en prime et encore trop la tête dans l'album pour en parler avec recul. ça vous donnera droit en prime à un papier ultérieur.Mais en attendant, petit questionnaire apéritif…

Ca change l'état d'esprit quand on prépare un nouvel album et que le précédent s'est très bien vendu ?

Bertrand : " Sans aucun doute, un minimum, quoi! Le tout c'est de faire attention à ce que ça ne modifie pas le principal, c'est à dire ta musique, ce que tu vas dire et ce que tu trimballes. Au niveau de la maison de diques, c'est preque plus net qu'avant. Il n'y a de toute manière aucune forme de pression. "

Denis : " Sauf peut-être, de notre côté, une pression naturelle ! Ca renforce la trouille, tu te poses des quetions que tu ne t'étais pas posé jusque-là, ne pas tomber dans le plan de se répéter…Enfin, c'est un bon moteur ! "

Fred : " Il y avait aussi un enjeu supplémentaire, le pari de se passer le producteur. On a tout a fait nous-mêmes, avec le pote qui nous aide depuis toujours pour les maquettes, et avec l'ingénieur du studio qui avait déjà bossé sur l'album d'avant. "

Pourquoi ce choix ?

Denis : : " On ne voulait pas de producteur, parce qu'au stade où on en est arrivés, on sentait qu'on avait besoin de mener ce diques de A à Z, de suivre l' histoire jusqu'au bout et de se prouver qu'on en était capables. "

Bertrand : " On avait besoin de tenir les rênes plus longtemps, de façon à ce qu'on ne puisse en vouloir qu'à nous-mêmes. ! "

Serge : " Un autre pari, c'est que les morceaux n'étaient pas tous finis quand on est rentré en studio pour les enregistrer alors que jusqu'à présent, à ce stade là, les deux diques précédents étaient plus aboutis. "

Bertrand : " Beaucoup de morceaux étaient déjà bien avançés , mais on voulait aussi se donner la possibilité de faire des choses sur l'instant, sans filet , parce qu'à un moment donné, en studio, tu pousses les choses assez loin pour qu'éventuellement d'autres surgissent d'elles mêmes.Ca donne une petite part d'incertitude.J'ai fait une grande partie des textes au dernier moment, et parfois la totalité de l'idée, base misicale et paroles ,sont aussi venus sur place.Mais de toute façon, à l'arrivé, il y a plus de morceaux que sur l'album précédent, donc en réalité le nombre de titres qui n'étaient pas prêts équivaut à peu près à ce qu'il y a en plus, en temps, sur le disque. "

Ecrire au dernier moment, ça permet de réagir de façon plus spontanée sur l'actualité ?

Bertrand : " Pas par rapport à l'actualité en général, mais par rapport à ton actualité personnelle, oui.Pourtant, curieusement il y a des trucs qui se recoupent. Mais c'est un principe que ce ne soit pas direct.Le monde va oû il va, et nous n'avons jamais eu de prétention à le juger ou à essayer de l'englober. "

Un titre comme " The Holy Economic War " sur le nouvel album, ça évoque quand même des images d'actualité…

Bertrand : " Pourtant ça a rapport avec la tension tout court. Avec les ravages intérieures. Mais c'est vrai qu'en l'occurrence, avec ce qui est en train de se passer et qui n'est effectivement aussi que le résultat de la Holy Economi War, les ravages intérieurs et extérieurs se rejoignent.Ca joue, mais il ne faut pas chercher la logique absolue, parce que là ce serait un discours pragmatique qui ne correspondrait pas totalement à la réalité. "

Et ce qui se passe en ce moment ça pourrait vous inspirer quoi ?

" En route pour la joie " ! ! ! (autre morceau de l'album).

Maintenant que l'enregistrement est fini, vous vous sentez comment ?

Bertrand : "Moi, je flippe ! Mais c'est trop tôt, on est encore trop " collés " à ce qu'on vient de faire. Là j'ai juste envie de pouvoir prendre un peu de recul pour écouter ça avec-l'espère-du plaisir. "

Fred : "Avant-hier ça allait.Hier je trouvais tout à chier et maintenant ça va passer par des phases comme ça pendant encore un moment ! "

Denis : " Pour le moment, c'est le chaos absolu et après ça va se stabiliser. "

Serge : " Ce que je ressens, c'est vraiment l'envie de faire des concerts, de voir comment on va passer de la version qui bouge.Bref, je reste assez serain…quoique…mais bon ça va aller ! "

Et les projets immédiats ?

" Dormir ! ! ! "

Emmanuelle Débaussart Best Mars 1991

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