© A.C. Johnson

Akosh dans le suprême tourbillon des extrêmes

Compagnon de route du groupe Noir Désir, le saxo-phoniste hongrois Akosh a délivre, l'an dernier, un bol d'oxygène des plus vivifiants, en publiant deux albums d'un coup, « Imafa » (en studio) et « Omeko » (live), L'ébouriffante osmose qu'il réalise entre ses racines d'Europe orientale et son amour du jazz donne naissance à une musique unique en son genre, riche, complexe et vitale à la fois. Dans son prochain album, « Elettér », la magie opère de nouveau : éruptions « free » galvanisantes, odes à la différence singulièrement évocatrices, mémoires tzigane , violon vertigineux (Peter Eri soliste du fameux groupe hongrois Muzzikas), cornes de l'Himalaya, tambours africains (par le subtil percussionniste sénégalais Pape Dieye...) Et les incantations du pote, Bertrand Cantat ( « noir désir»), entre cris et chuchotements. Tout nous emporte dans un suprême tourbillon des extrêmes.

Retournez-vous régulièrement aux sources, en Hongrie ?

   

Je préfère aller en Transylvanie plutôt qu’en Hongrie, où, depuis le changement, la situation est devenue assez dure. Je vais à Budapest parce que j'y ai vécu et que j ai pas mal d'amis là-bas. Mais je me ressource davantage à la campagne, notamment en Transylvanie. Dans cette dans cette contrée , les gens vivent protégés de la pollution et les rapports humains sont comme nulle part ailleurs. Le patrimoine culturel y est bien sauvegardé. La Transylvanie, en partie entourée par les montagnes des Carpates, a été relativement préservée. En 1947, elle a été ratachée à la roumaie. J'y effectue des recherches. non pas de façon scientifique, mais plutôt par simple passion.

Quelle aventure a représenté pour vous l'association avec Noir Désir ?

Pour moi, cette rencontre a été essentielle. Bertrand est au nombre de mes meilleurs amis. Nous avons eu envie de faire de la musique ensemble. Nous sommes partis tous les deux en Hongrie, a plusieurs reprises.

Quand avez-vous eu le coup de foudre pour le free-jazz?

A l'âge de seize ans. Un jour, un copain m'a fait écouter plein de jazz. Archie Shepp, John Coltrane, Albert Ayler. Pharoab Sanders, Don Cherry... C'est quelque chose qui vous change. Une grande secousse. A 10 ans, j'avais vu Cecil Taylor et Davis D. Ware dans un festival, en Yougoslavie.

Les différents lois mises en place au sujet de l’immigration, ces dernières années en france, vous ont-elles mis en colère ?

Forcément. C’est primordial d'être concerné par cette question. Je me sens concerné, non parce que je suis hongrois immigré. mais de par ma sensibilité. Pour véritablement enrayer la xénophobie, il faudrait une éducation totalement différente pas seulement en france, d’ailleurs. Il
est nécessaire de revoir les livres solaires, ne serait-ce que pour l'enseignement de l’histoire. Il faut de sacrés changements. Ce n'est pas avec Internet que l'on va résoudre les problèmes. Plus on fonce vers ce type de communication, plus on tue les choses vivantes. Internet a sa raison d'être et je ne suis pas contre. Mais je n'ai pas envie de me mettre derrière un ordinateur pour communiquer.

Vous préférer parler avec la personne en chair et en os, ne pas laisser quelqu’un crever sur le trottoir…

Exactement. Peut-être ai-je un blocage avec l’informatique et la paperasserie… Quand j’ai du ouvrir un compte bancaire et avoir une carte bleue, j’ai eu des insomnies ! j’ai ressenti une atteinte à la vie privée.

A cause des papiers a fournir ?

C’est un tout. Un système bien huilé, réfléchi, dans lequel tu est quasiment obligé d’entrer. ce n’est pas pour te faciliter la vie qu’ils le font. C’est pareil pour la carte d’identité. si tu n’en as pas une, tu es une sous-merde. J’ai bien connu ça et c’est peut-être bien ainsi, j’ai pris conscience de certaines choses. Même si tu es un humain de grande valeur, tu n’es rien si tu n’as pas de papier.


Propos recueillis par FARAC, L’humanité (19/01/1999)