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Entre free-jazz et ritournelles tziganes, Akosh S. souffle une musique tellurique où l’on croise Bertrand Cantat.
Akosh Accroche
Akosh S. Imafa & Omeko live (barclay/ polygram)

 

Akosh Szelevenyi, dit Akosh S., est hongrois. Il vit en France. Il n’a pas froid aux yeux. Il n’y a qu’à écouter sa transe musique pour s’en faire convaincre, une sorte de free-jazz prolixe allumé aux rythmes d’Europe centrale et baigné d’effluves venus du monde entier. Boulimique, Akosh l’est assurément. Cela s’entend, cela se voit… Deux disques d’un seul coup pour un presque parfait inconnu et s’il vous plaît, chez Barclay sous la haute protection de polygram Jazz ! en réalité, l’histoire d’Akosh est aussi peu commune que sa géographie. Débarqué de sa Hongrie natale il y a une dizaine d’année, ce souffleur multi-anchiste a connu toutes les galères de musicien qui cherche sa voie hors des sentiers battus, sans oublier celles de l’immigré clandestin ou pas. L’énergie et la persévérance étant de la partie, Akosh trouve les moyens de déployer sa musique au gré de rencontres fortuites et nécessaire avec une prédilection pour les Steve, Grossman ou Potts, voire Lacy qu’il croise a l’occasion. Il publie deux disques presque secrètement. Puis en 1996, providentiellement c’est Bertrand Cantat, fort de son noir désir, qui le remarque et le prend sous son aile. La Akosh S. unit va tourner en première partie du groupe de rock français le plus populaire. De ces voyages vont naître les deux albums qui débarquent aujourd’hui, l’un en public, l’autre en studio.

Nourri aux incantations d’Albert Ayler, Pharoah Sanders, Coltrane ou Ornette Coleman, Akosh n’en est pas moins profondément marqué par les tziganes ou par les sonates de son compatriote, le grand compositeur Zoltan Kodaly. Ce qui donne à sa musique une ambiance féconde : profondément ancrée dans les profondeurs de la terre tout en étant irrésistiblement attirée par l’appel des cieux. Des deux disques, c’est sûrement imafa, enregistré dans les chaleur des studios, qui donne le meilleur témoignage de la richesse fragmentaire des rythmes mis à feu par Akosh. Omeko, le live se contente de nous redonner un reflet parfois répétitifs des performances du groupe pendant la tournée avec noir désir. Ce qui n’est déjà pas si mal mais qui ne remplace pas l’expérience du direct. Imafa, au contraire, dessine les contours d’une musique ouverte à tous les vents, traversée de courants contradictoires agités comme dans un chaudron brûlant. S’y font entendre, outre le lyrisme suraigu d’Akosh, les violons et autre curiosité de l’irlandais Joe Doherthy ex-menbre de sons of the desert, les percutions étranges de Bob Coke, coproducteur de Ben Harper, ou encore les accents tibétains de l’ange gardien Bertrand Cantat. A eux tous ils allument la mèche d’une véritable musique du monde aux sens telluriques et aux mélopées emballantes qui, de valses tordues en délires free, traversent en toute liberté des paysjazz parfaitement inédits.

Propos recueillis par Thierry Jousse, les Inrockuptibles       18 février 1998