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... Quand Akosh parle de lui et de sa musique,

ou quand on en parle ...

 

Saxophoniste d'origine hongroise, Akosh Szelevenyi, Akosh S. pour les intimes s'impose actuellement comme un voix originale dans l'univers des musiques improvisées. Guillaume Lagrée de Radio Campus Rennes l'a interviewé pour nous.

Le Jazz : Quelle est l’influence de la Hongrie dans ta musique ?

Akosh : Je suis Hongrois. Je ne peux pas quantifier l’influence de la musique hongroise dans ma musique mais je suis conscient de cette influence. Au départ, j’ai reçu une formation classique et au folklore. Comme tout le monde, j’ai écouté le rock à la radio puis j’ai découvert le Jazz. Ma musique est mélangée et je ne veux pas lui donner de définition.

Le Jazz : Pourtant elle est classée dans le Jazz, du moins chez les disquaires.

Akosh : Le classement ne sert qu’à ranger les disques à la FNAC. C’est désolant. Les étiquettes font fuir les gens. Le jazz, le free, c’est élitiste. Ma musique est intelligente, pas intellectuelle.

Le Jazz : Quel est ton rapport à la musique de Noir Désir (Akosh a assuré la première partie de la tournée de Noir Désir en 1996) ?

Akosh : Nos univers sont éloignés quant à la forme pas quant au fond.

Le Jazz : Eric Dolphy disait que même s’il devait mourir de faim sur une île déserte, il ne changerait pas de façon de jouer. Et toi ?

Akosh : Bien sur, c’est ça. Il faut distinguer ce qui est important de ce qui est secondaire. On peut toujours se démerder à trouver de l’argent autrement qu’en se vendant.

Le Jazz : Dans quel état d’esprit joues-tu ?

Akosh : Dans une attitude d’improvisation la plus honnête, la plus ouverte à la vie, aux merveilles de la création. akoshsit.jpg (6875 octets)

Le Jazz : T’arrive t - il de faire de la musique en arrière plan pour des spectacles ou des films ?

Akosh : Je fais de la musique pour des spectacles. J’ai longtemps travaillé avec la compagnie de théâtre " Entreprise " et le metteur en scène François Cervantes. Il y a un an et demi, j’ai participé à un spectacle d’un cirque nouveau. Tout le monde doit aller dans le même sens pour que ça fonctionne. J’aime aussi jouer dans des vernissages, improviser sur le moment. C’est très enrichissant d’aller vers d’autres formes d’expression. On apprend beaucoup en allant là où, a priori, on n’a rien à faire. J’ai beaucoup plus appris en découpant du papier pendant un an dans une imprimerie qu’en restant dans mon coin à jouer de la musique. Il faut mettre sa vie dans la musique, sinon ça ne vaut pas le coup.

Le Jazz : Depuis ta rencontre avec Bernard Cantat de Noir Désir, ça marche plutôt bien pour toi.

Akosh : Le mot " carrière " me gêne. Ce n’est pas ça qui améliore la musique. Je suis très content de rencontrer des gens. La compétence de chacun (Akosh vient de signer chez Polygram) permet d’amener les choses plus loin.

Le Jazz : Tu as débarqué de Hongrie à Paris en 1986, sans un rond, ne parlant pas français, avec tes saxophones sous le bras.

Akosh : J’ai joué dans la rue, sous les ponts, dans le métro, dans des garages souterrains. Pas beaucoup dans le métro parce que je en veux pas déranger les gens et qu’un sax dans le métro, même en jouant pas fort, ça résonne. Jouer sous les ponts, c’est bon pour le son (cf Sonny Rollins, " The Bridge ", 1962). Ca le catapulte. Joe Doherty (ex Sons of the Desert, membre du groupe d’Akosh) refuse de jouer dans une salle de répétition. Le pont donne un état d’esprit, une qualité du son.

Le Jazz : T’est il arrivé de revenir en Hongrie depuis 1986 ?

Akosh : Oui, surtout en Transylvanie (le pays de Dracula, côté roumain) pour me ressourcer. Budapest est devenue une capitale occidentale avec Mc Do, Coca. Je suis en contact avec les musiciens hongrois mais je ne trouve pas de jeunes intéressants (Akosh S. est né en 1966). Ma famille musicale est toujours en activité. J’ai des amis qui font de la musique ethnique. On a des projets avec eux : rien de précis pour l’instant mais l’envie est là.

Le Jazz : Comment s’est passé le contact avec le public de Noir Désir ? Akosh S Unit en concert

Akosh : Quelques zozos hurlaient mais c’étaient les mêmes qui emmerdaient Noir Désir. Ils se croyaient au foot pas à un concert. Le public était tellement excité qu’il était quasiment impossible de jouer des ballades. Il a bien réagi à notre musique. Je ne connaissais pas Noir Désir. J’ai compris la démarche. Ils n’avaient pas nécessairement besoin d’un saxophone mais ils en avaient envie. Alors j’ai joué sur leur album. Leur image de stars est dure à porter pour eux. Les groupies chantent des chansons engagées sans comprendre les paroles. Une anecdote sur la tournée : Bernard est un chanteur engagé et a fait à Vitrolles un concert de soutien au Sous Marin. On logeait à Marseille pour raison de sécurité. Le soir du concert, on sort de l’hôtel. Des filles attendaient Bernard, lui ont sauté dessus et lui ont demandé ce qu’il allait faire. Il leur dit qu’il partait jouer à Vitrolles. Réponse des filles : " C’est où Vitrolles ? " Ca, c’est grave. Ca t’amène à te demander si ton message passe vraiment.

Le Jazz : As-tu déjà joué en duo, en dialogue car c’est là qu’est la plus grande liberté (ex : les duos de Lee Konitz avec Elvin Jones, Martial Solal, Gil Evans etc)

Akosh : j’ai déjà fait ça. Avec Joe Doherty, la première rencontre, ce fut un concert improvisé à deux. Je prends toutes les dates avec tous ceux qui passent. La rencontre apporte une fraîcheur à garder.

Le Jazz : Tu joues toujours avec des instruments acoustiques. Pourquoi ?

Akosh : Je veux sans cesse utiliser des instruments acoustiques, en découvrir, en créer. Aujourd’hui, la machine crée trop les choses. Je crois en l’imagination de l’être humain. Tous doivent pouvoir jouer. Je n’irai pas vers l’électrique. Je veux garder le lien avec l’héritage, la terre, l’ethnique. D’où le qualificatif de musique folklorique plus jazz appliqué à ma musique. C’est une mauvaise étiquette.

Le Jazz : Ornette Coleman disait   " Vous n’avez pas à analyser ma musique,  vous avez  à   la     ressentir ".

Akosh : Oui, ça doit toujours être ça.

Le Jazz : Vas-tu jouer hors de France ?

Akosh : Une tournée est prévue en Europe. On a des idées pour le Canada, les USA. Au Japon, on peut tout leur vendre. Pourquoi pas ? Le problème en tournée, c’est qu’on ne voit rien. On arrive l’après-midi, on joue le soir et on rentre le lendemain matin. Bob Coke (producteur du 2° album de Ben Harper. Joue sur l’album "Imafa " d’Akosh S) vit en Bretagne. Je reste ici ce week end pour jouer avec lui. La Bretagne me plaît parce qu’elle a une identité forte. Je pense y vivre à l’avenir.

Le Jazz : Pourquoi le piano est il absent de ta formation ?

Akosh : Il y a une tradition en Jazz du piano qui colmate à part Monk mais Monk est mort. Je veux une musique plus fluide, avec plus d’espace.

Propos recueillis par Guillaume Lagrée le vendredi 20 février 1998 à Rennes (Museum Café).