Akosh. S. Unit / Dar Gnawa

Akosh S Unit
Dar Gnawa de Tanger
Akosh. S
Maalem Abdellah Boulkhair-El Gourd
Bernard Malandain
Abdeljehbar El Gourd
Philippe Foch
Abdelkader El Khlyfy
Joe Doherty

 

En France depuis dix ans, Akosh. Szelevenyi ne cesse de nous étonner. Jazzman inventif gardant le goût des musiques les plus primitives, sa modernité s'exprime dans un esprit de liberté qui tutoierait le Chamanisme. Explorateur infatigable, il nous promet un échange unique avec le Dar Gnawa de Tanger dirigée par le Maâlem Abdellah El Gourd, mémoire vivante de la Transe Gnawa. Un choc musical entre le jazz et une des musiques les plus envoûtantes d'Afrique.

Agencer des disques qui prennent la peine de jurer et de jouir. Se tracer un territoire d’élection hors des frontières usuelles du rock, entre Europe, Afrique et Amérique, chanson, transe et improvisation. Rassembler des langages pour dire le désordre heureux de tout voyage, se proclamer en rupture de ban. Tous ces paris, ce groupe atypique, désormais condensé en trio, les rouvre audacieusement dans Le Détroit, un album qui valide des mois de recherches et de nomadisme entre Tanger, Londres, Le Caire, New York et la France.
Histoire de mettre le feu aux poudres, Philippe Pigeart et ses hommes se sont adjoint des artificiers de luxe : le guitariste, producteur et compositeur Gary Lucas (Captain Beefheart, Jeff Buckley), le batteur volant Billy Ficca (Television), le saxophoniste Akosh S., ou encore le chef-opérateur David Whitaker, dont les prodigieuses orchestrations montrent à quel degré d’investissement Tanger a su entraîner ses invités. Porté par une voix qui a gagné en ampleur et par une maîtrise supérieure qui attise le jeu au lieu de l’aseptiser, Le Détroit, mélodiquement affûté, projette d’abord un éclat nouveau sur la chanson française : de Oui peut-être à Eva, de A toi la seule à ce sommet de rock’n’roll pulsatif qu’est L’Internationale hallucinex, le groupe brûle sans ambages ses cartouches de désir, crépite comme un sismographe raccordé à une tellurique musique des sens. Ailleurs, renforcé notamment par l’ensemble marocain Dar Gnawa, Tanger se risque à convoyer des entités sonores qui, entre psychédélisme et vibrations sacrées, convoitent des pics inviolés, quitte à s’exposer à de possibles chutes – cette relecture effilochée de So long, Marianne. A l’écart des défilés de mode de l’actualité, où la seule perfection plastique est souvent érigée en exemple, cette approche casse-cou et cette beauté accidentée ont de quoi combler les amateurs de musiques vivantes. 
Richard Robert, 12 Avril 2001, Les Inrocks.com

 

Le monde invisible d'Akosh

Pour la troisième année consécutive, Sons d'hiver convie Akosh S à une soirée inédite. Le festival du Val-de-Marne entretient une fidélité envers les artistes qu'il aime. Cette fois, le saxophoniste (que Noir Désir fit découvrir au grand public en 1996, en l'embarquant dans sa tournée) se produira avec le groupe marocain Dar Gnawa de Tanger, dirigé par le maâlem (maître musicien) Abdellah el Goud. Une accolade artistique naturelle, pour le souffleur hongrois qui s'est installé en France dans les années quatre-vingt-dix. " Mes ancêtres ont appartenu à un peuple nomade asiatique qui s'est établi en Europe centrale au Xe siècle. Il venait de l'autre côté de l'Oural. Considéré comme païen, il lui a fallu, pour s'intégrer, se convertir au christianisme. Je suis issu d'une culture dans laquelle la musique ne s'arrête pas à des notes, mais contient une forte charge spirituelle : un trait commun avec les Gnawa, dont la musique peut engendrer la guérison. "

Les lointains aïeux des Gnawa actuels ont, eux aussi, effectué un long voyage, en provenance d'Afrique noire - notamment de l'ancienne Ethiopie. Ils ont emporté avec eux les danses et les rythmes, sacrés ou profanes, et la cohorte de djinns (esprits). · Choisy-le-Roi, se répondront les crotales métalliques des musiciens marocains, le luth du maâlem (guembri) et la riche palette de sonorités introduites par l'Akosh S Unit (Joe Doherty, violoniste et saxophoniste irlandais, le contrebassiste Bernard Malandain et le batteur Philippe Foch). Des invités, notamment un joueur de ney algérien, seront invités aux réjouissances.

Akosh arpente passionnément, de ses bottes de sept lieues, les contrées musicales les plus contrastées, du romantisme slave au jazz libre, en passant par un arc-en-ciel de musiques traditionnelles. Et avec un baluchon solidement accroché à sa mémoire, rempli des préceptes du maître hongrois Kodaly. Le Petit Poucet sème ses cailloux comme autant de grains de swing, n'hésitant pas, quand cela se révèle salutaire, à jeter du sable dans la machine. C'est ainsi que l'héritier de Béla Bartok et de l'Art Ensemble of Chicago résiste, malgré le succès, à l'ogre du show-business.

13 Janvier 2001 - Fara C.