Akosh S. : Saxophones tenor & soprano, clarinette basse, flûtes, kalimba, bombarde, chant
Joe Doherty : Violon, flûte, saxophone alto & clarinette basse
Philippe Foch : Batterie et percussions
Bernard Malandain : Contrebasse
Mokhtar Choumane : Ney & Kaval (Flûtes turque et arabe)

Akosh S : le musicien qui ressemblait à un volcan

Mélangeant free-jazz et influences hongroises, le saxophoniste Akosh S vient de sortir "Lenne", un nouvel album où transparaît la force de son engagement dans la musique comme dans la vie.

Akosh S ressemble à un volcan. Il émane de lui une puissance minérale, appuyée par un regard gris et un flot de paroles rythmé par les "r" roulés. Sa musique est un cri, mélange de free jazz et d'influences hongroises. Mais la classifier n'a pas de sens : les différents genres sont seulement des outils dont il se sert pour exprimer au plus près ce qui l'habite. La confusion, la colère mais aussi l'énergie parlent au travers du free jazz. Les influences traditionnelles, les percussions, la voix, traduisent la douleur, l'espoir, l'intime. Et au-dessus, le sax, comme un hurlement ou un murmure, l'âme, l'énergie vitale de cette musique qui peu à peu atteint les tripes. "Quand on commence à réfléchir sur une musique qu'on écoute, c'est qu'on l'a tuée", dit Akosh S.

Etre utile à sa mesure infinitésimale

Akosh S, de son vrai nom Szelevenyi, a vingt ans quand il débarque en France, avec un visa d'un mois. Il fuit la Hongrie communiste où les autorités le persécutent. Il y a appris, à partir de six ans, la flûte et le basson, puis, à partir de 16 ans, parallèlement à sa découverte du jazz, le saxo. " Evidemment que c'est dur de casser sa vie en deux, se souvient-il, en évoquant son arrivée en France. Et en même temps, c'est magnifique. C'est, à la fois, un arrachement, une cassure, et une libération, une découverte ". A Paris, après quelques temps d'errance, il se met rapidement à jouer avec les meilleurs musiciens. Mais ne pouvant accepter l'élitisme de la scène jazz traditionnelle, il préfère jouer dans des lieux alternatifs où il peut rencontrer un public non-initié ; l'Atmosphère, bar sur le quai de Valmy, devient son repaire.
De concert en concert, Akosh S affine sa morale sur laquelle repose sa vie et sa musique. Soit un combat contre tout ce qui détruit le différent, le "pas normé", le fragile, mais aussi une remise en cause incessante de nos actes et de leur justification. Le but n'est pas de s'ériger en justicier mais d'être utile sur terre à sa mesure infinitésimale. Akosh S joue pour différentes causes - le Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés), le Tibet, les prisons - à condition qu'un vrai travail collectif soit mis en place. " La démarche ne me semble pas intéressante si mon seul rôle consiste à débarquer, monter sur scène, jouer et partir ; cette absence de qualité de rencontre, de réflexion ensemble cautionne justement un système qui fait naître le racisme".

Faire de la musique autrement

Son engagement réside aussi dans sa façon toute personnelle de faire de la musique. "Je n'aime pas le coup par coup ni le sensationnel. Ce que j'aime, ce n'est pas sortir des disques, c'est travailler", confie Akosh S.
Après le rachat de sa maison de disques, Barclay, par Vivendi-Universal, il tente de trouver au sein de la multinationale des moyens de travailler en restant fidèle à ses valeurs. "Sur le plan de l'esprit, je me sens beaucoup plus proche des labels indépendants mais je suis foncièrement opposé au fait de couper le monde en deux".
Il fait, alors, en sorte qu'Universal produise, en licence, des créations avec des petits labels ; il sort un disque live, "Kaloz", vendu uniquement en concert, à prix coûtant afin qu'il reste abordable. "J'ai simplement essayé de trouver des solutions alternatives à la seule sortie des disques officiels : Kaloz, ça veut dire "pirate", c'est de l'auto-piratage total, c'est une idée rigolote". Dans le même temps, Akosh S travaille sur une trilogie : Kebelen, Lenne, qui vient de sortir, et un troisième album auquel il vient de mettre la touche finale et qui sortira en octobre ou novembre 2002 [Vetek]
Sa façon d'aborder la musique est aussi liée à une philosophie globale. Ce qui sous-tend son oeuvre, c'est une volonté de se rapprocher de la musique "originelle" : "j'essaye, explique-t-il, de retourner à la source des musiques, là où elles naissent. Je parle de musique paysanne". Sa vision du monde pourrait être teintée de holisme (1) si elle n'était, avant tout, traversée par le doute : les mots "tan" (peut-être) et "azértis" (quand même) reviennent dans l'ensemble de ses disques. Sur la pochette du dernier album, une phrase en hongrois est écrite ; il la traduit par "peut être qu'il est bon quand même l'homme".
Akosh S a-t-il la foi ? " Bien sûr que j'ai la foi, mais cette foi c'est quoi ?", s'interroge-t-il. Avant de répondre : "C'est simplement un amour profond pour ce bourbier monstre".

Marie-Sophie Peyre

(1) Théorie selon laquelle l'homme est un tout indivisible qui ne peut être expliqué par ses différentes composantes (physique, physiologique, psychique) considérées séparément.

Discographie
Lenne (2002 - Universal) ; Kaloz I (2002 - Universal) ; Kebelen (2001 - Universal) ; Eletter (1999 - Barclay) ; Imafa (1998 - Barclay) ; Omeko, live (1998 - Barclay) ; Asile, Akosh Szelevenyi Trio (1995) ; Pannonia, Akosh Szelevenyi Ensemble (1993 - EMP - Harmonia Mundi).

Participations
MOSQ eRiKm, Charlie O, Akosh Szelevenyi, Quentin Rollet (2001 - Rectangle) ; Tibet libre - 2001 (Solidarité Tibet) ; Orléans (1999 - Rectangle) ; Liberté de circulation (1999 - Gisti)

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