RODOLPHE BURGER
Identification d'un deuxième album solo

 

En France, Kat Onoma fait un peu figure de leader en matière de rock. Les cinq albums publiés depuis 1987 ont tous reçu un accueil favorable du public initié. Et lorsque chacun des membres tente l'aventure solo en marge du combo, les fans suivent. C'est le cas pour le nouvel album de Rodolphe Burger "Météor Show" qui vient de se voir attribuer le Prix de l'Académie Charles-Cros.
Entretien avec le disciple français d'Iggy Pop et du Velvet Underground.

Avant de parler de votre nouvel album, à quoi avez-vous pensé quand Alain Bashung a interprété l'une de vos chansons sur son album "Fantaisie Militaire" ?

Ça fait plaisir parce que c'est quelqu'un avec qui je n'espérais pas pouvoir travailler. Et lui-même de son côté, ne voyait pas très bien comment on pouvait collaborer, bien qu'on s'apprécie mutuellement. On se croisait souvent, il s'intéressait beaucoup à Kat Onoma. Et puis, il se trouve que j'avais fait une chanson avec un texte d'Olivier Cadiot qui s'appelait "Samuel Hall". Et, en l'écrivant, j'ai "halluciné" la voix d'Alain Bashung dessus et je lui ai raconté. Ça l'a amusé et il m'a dit : "Il faut que j'écoute ce truc". Entre temps, il est parti sur son nouvel album et à ce moment là, il ne voulait rien écouter d'autre que ses compositions. Et puis un jour, il me rappelle en me disant : "Finalement, ce truc je veux bien l'écouter". Et après l'avoir entendu, il m'a dit que ça collait bien avec l'ensemble de l'album.

Est-ce qu'on éprouve un sentiment de fierté, une certaine satisfaction quand on entend Bashung chanter une des ses compositions ?

Le moment très émouvant, c'est le moment où j'entends sa voix sur mon texte. Il le chante d'une telle manière ! J'y voyais une espèce de sensibilité au détail, j'imaginais certaines choses... Mais quand on entend le résultat fini, c'est encore autre chose. Il a une façon de faire vibrer "Allez au diable !". Il a une façon de dire ça qui est unique !

Votre dernier disque en solo "Météor show" est à peine terminé qu'il reçoit déjà le Prix de l'Académie Charles-Cros. Surpris ?

Oui, c'est un truc prestigieux qui m'a fait très plaisir. Parce que dans ma mémoire, j'ai le souvenir de très beau disque qui avait reçu ce prix, Patti Smith entre autres, avec ce macaron : "Prix de l'Académie Charles Cros". J'étais très surpris parce que c'est arrivé alors que le disque n'était pas encore sorti. De plus, que l'Académie Charles-Cros récompense un disque qui n'est pas du tout académique, je trouve cela bien.

Le prix récompense également Claude Nougaro et les Casse-Pipe qui sont des artistes nettement plus "connotés" chanson française que vous…

C'est vrai que dans ma mémoire musicale, la chanson française ne tient pas une énorme place. Parce que dans ma jeunesse, j'étais tellement focalisé sur le rock anglais ou américain que ça a balayé tout le reste y compris la musique classique que mon père écoutait. Je voyais Brel ou Brassens à la télévision mais ça me passait à côté. J'ai découvert Gainsbourg assez tard. Bashung, au contraire m'a tout de suite séduit parce qu'il était un des rares à essayer de tracer une ligne assez improbable, avec un point de départ rock, dans l'espace de la variété française ce qui était assez difficile. Il a dégagé une voie qui est vraiment la sienne et qu'il approfondit encore.

Sur votre album, on retrouve un certain nombre de reprises rock justement signées Hendrix, Dylan ou par les Rolling Stones. Le tout co-produit avec Docteur L. qui a travaillé pour Neney Cherry ou Assassin...

"Hey Baby" d'Hendrix, c'est l'origine de la collaboration avec Docteur L. sur cet album. Le CD était quasiment enregistré à ce moment là, mais j'avais envie de faire cette reprise et de lui proposer de la faire avec moi. Donc on a enregistré dans son studio en une seule nuit comme on le fait d'habitude quand on travaille ensemble : d'un seul tenant enregistrement/mixage, un titre/une session. Et le résultat fini, le son qui s'en est dégagé m'a donné envie d'aller plus loin, mais je ne pensais pas que ça irait jusqu'à refaire tout le mixage de l'album ensemble.

A l'écoute de "Météor Show" il apparaît que vos compositions laissent de plus en plus de place à la rythmique et de moins en moins mélodie ?

La rythmique est très affirmative parce que Docteur L est un batteur à l'origine, un rythmicien que je trouve excellent. Et j'avais envie de cet impact rythmique mais je ne trouve pas que les mélodies disparaissent. Elles se réduisent à leur plus simple expression. Il y a derrière une esquisse qui se laisse deviner. Certains mixes de guitare ont dégagé complètement. On peut encore entendre derrière comme des fantômes, une ligne en pointillé, elle est déstructurée mais elle n'en est que plus musicale. En général, j'aime bien le principe du minimalisme en musique. En faire plutôt moins que trop...

C'est facile de s'y retrouver pour vous qui avez composé les morceaux mais l'auditeur, qui ne connaît pas les structures de base, ne risque t-il pas d'être un peu perdu ?

Je crois que l'auditeur fait ce chemin-là mais dans l'autre sens. Il écoute le morceau plusieurs fois et il s'enrichit quand il le réécoute. Parce que tout ce qui ne figure pas en première impression lui apparaît peu à peu aux réécoutes. C'est le contraire de l'arrangement. Plutôt que d'enjoliver les morceaux, on les épure. C'est du minimalisme HI-FI quoi...

Qu'est ce que cela va donner sur scène ?

Je ne sais pas si je vais jouer "Météor Show" en concert. Je ne suis pas partisan du côté "service après-vente" des albums en concert. J'ai vraiment envie de laisser cette proposition sonore vivre dans son existence de disque. Le live m'intéresse énormément bien sûr. Par exemple, on est assez fier du dernier album live de Kat Onoma "Happy Birthday Public".
Le live, c'est important. Je ne vais pas y aller pour exécuter une musique. Je trouve que cela n'aurait aucun sens. Ce n'est pas encore à l'ordre du jour.

Propos recueillis par Frédéric Garat.