Chronique

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Interview du groupe
Magic Mushroom, n°7, Printemps-été 93
Les Inrockuptibles, n°66, 24/07/96
Les inrockuptibles, n°76, 23/10/96
Les Inrockuptibles, n°77, 30/10/96
Magic #11, Novembre/Décembre 1996
#3 d'après Michel Cloup

 

Diabologum C'était un lundi après-midi semblable aux autres... ( Lithium / virgin ).

"Ce beau ciel qui jadis se gâtait lorsque je me mettais à chanter" avoue Dominique A.dans Le discours de la méthode, titre extrait du premier LP de Diabologum. Il n'a pas tort. En d'autres temps, un tel disque ne serait jamais sorti. Pas plus sur un label indépendant que sur une major. Nous vivons une petite révolution. Saluons donc l'obstination de Litihum, peut être le seul à tenter quelque chose dans un business sclérosé, et félicitons Virgin d'être réceptif à ce genre d'initiative. La balle est désormais dans notre camp, nous auditeurs. Nous nous devons de soutenir cette démarche, prouver qu'un public existe. Pourquoi Diabologum,et son Lundi après-midi semblable aux autres... ? Tout simplement parce que ce disque est bon. Attendu, justement à cause de ce business dont il se moque, Kill sub pop stars, à cette industrie qu'il refuse, Too much sleep et ses craquements, il se veut un hommage à la différence. Parfait reflet d'un collectif hors norme (john Love !!!), C'était un lundi... manie l'ironie ( Attention à jouer au génie parce qu'on risque de le devenir prévient Dali en intro), la référence ( l'hallucinant accident dans Sailor et Lula pour sticky hair-pin ) et la frustration au gré d'un humeur aussi vagabonde que touffue. " Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé..."

Philippe Juggé, Magic Mushroom, n° 7, Printemps-été 93

 


A les découvrir sur scène, on peut avoir l'impression un peu tannante d'avoir affaire à des gens qui s'abritent derrière les décibels, comme le veut la vulgate du moment.

Et puis l'oreille apprend à scruter, derrière le déferlement sonique, ce qui est moins de la timidité qu'une attitude crânement assumée : quelquechose comme du dépassement en marche. Ignorant l'opportunisme d'un marketing qui s'entête à les présenter comme des situationnistes - quand donc dira-t-on à tous ces gens que cette histoire est finie ? -, on aura à peine le temps de supputer sur la possibilité de les bombarder premier groupe post-hégélien de la scène française, qu'un single fuligineux s'impose sur nos platines : A découvrir absolument. Collage bruitiste de bas morceaux dudiscours médiatique, rendus à leur insignifiance première par un processus d'accumulation furieusement efficace, ce titre rageur suffirait à lui seul à nous convaincre de ce que l'on entrevoyait vaguement chez eux : une qualité de rage électrisante qui prouve qu'on peut encore, dans ce pays si fier de son '"rock" d'escrocs, renverser le confort mental en refusant d'utiliser tous les leviers gracieusement mis à disposition par un bizness pas trop regardant. A suivre absolument : un album de rentrée, qu'on espère aussi absolument furieux. La colère est toujours bonne conseillère.

Gilles Tordjman, Les Inrockuptibles, n° 66, 24/07/96.


Avec un troisième album important, Diabologum malmène le rock - français ou pas - et propose une révolution : détruire pour reconstruire.

Le diable au corps

Diabologum #3 ( Lithium / virgin )

Avec #3, sans détours, on redécouvre le rock : son énergie brute, sa radicalité, son urgence. Un rock poreux, perméable à d'autres sons qui en font toute l'étrangeté et la riche complexité - les notes solitaires d'un piano s'égrènent, les guitares suivent des variations trip-hop -, un rock vivant qui cherche ailleurs sa nourriture. Il faut tuer le rock, se débarrasser de ses poids morts, de ses membres sclérosés et le faire parvenir dans sa forme nouvelle - le rock n'est pas mort. Il est bon de renouer avec cette essence là, de s'enthousiamer à nouveau pour une jeunesse sonique qui, bien loin de la naïveté ou de la passivité attentiste, a le courage d'être la plus juste possible. Et le regard critique et sans complaisance de Diabologum soumet toute chose à cette haute exigence : depuis la nasse médiatique, ses marchandises, son discours à vide, depuis la masse apathique, ses goûts et ses dégoûts, jusqu'aux drames de nos désirs et de nos impuissances, assumés et revendiqués (" Je suis sensible et j'en suis fier "), tout y passe, est scruté, disséqué. Au travers de mots secs et cinglants débités par une voix blanche, épurée jusqu'au tranchant et engagée sous la pression constante des guitares. La parole est ici d'une puissance rare, dévastatrice - parce qu'elle joue sur plusieurs tableaux en même temps, celui de la première personne du singulier et celui de la vulgate, en les imbriquant d'une façon ambigüe; parce qu'elle exprime des pensées d'une concision et d'une justesse extrêmes, des fulgurances poétiques à méditer.

Le temps est compté et les chansons de Diabologum vont à l'essentiel, sans pour autant tomber dans les chausse-trapes habituels de la rébellion adolescente ou des mots d'ordre grandiloquents. La musique de Diabologum est humaine, individuelle, centrée sur soi certes - centrée pour soi, et donc ouverte en puissance. Elle ébranle qui accepte de laissser résonner en soi ces bris de vie, ces épuisements et ces luttes, ou la relecture paroxystique de La maman et la putain dans une déclaration amoureuse, malgré tout. Elle parle d'un individu sans nom (" Bonjour, je m'appelle ", s'arrête net l'introduction d'Il faut), démembré, qui tente, dans un effort solitaire et absurde, de se recréer. Un individu perdu dans l'espace qui doit faire sa révolution, au prix d'une contre-révolution, pour exister. Détruire, pour reconstruire : abattre les idoles, démolir les simulacres, ne pas céder au vil mensonge et ainsi (" les choses seront plus claires ") mettre au jour une géométrie essentielle et anguleuse - les os sous le chair, l'individu dans la masse, un prénom dans l'anonymat. C'est à son humanité que l'album nous lie, en suivant le "flot de conscience" d'un témoin qui regarderait l'imeuble d'en face et ses habitants à travers des fenêtres comme autant de cellules - vivantes. Une vision fragmentaire ( en elle-même et dans ce qu'elle vise ) en quête qu plus petit dénominateur commun, en forme de salut : " A part sortir quand tout est fini, main dans la main de celle qui nous a choisi. ". Emergent alors une communauté du petit, du minuscule, la possible rencontre de personnes singulières qui cherchent, seul horizon pour ces insoumis.

Yaël Girardot, Les inrockuptibles, n° 76, 23/10/96.


 Diabologum
#3
( Lithium / Labels )

La rentrée des classes ne s'est pas effectuée sans dégât chez Diabologum. Deux membres ont changé d'établissement. Pour le reste de la bande, les vacances se sont révélées des plus studieuses dans les studios angevins Black Box tenus par Ian Burgess. Aussi, n'ont ils pas hésité à se plonger avec passion et sincérité dans leur cahier Passeport spécial rock. Les maths musicales revues à la sauce Jon Spencer sont plus amusantes qu'avec le poussiéreux Pythagore, l'Anglais révisé sous la tutelle de Richard Hell ( Blank Generation ) est plus sauvage qu'un cours de la BBC, les leçons de choses de Jean Eustache ( La Maman Et La Putain ) rappellent les mauvaises surprises de l'amour avec les allemandes du camping. Toutes guitares voraces dehors, Diabologum tente des expériences de petit chimiste. Le pH sonique ne décèle pas la moindre trace de particules pop comme dans Les Garçons Ont Toujours Raison. Bien au contraire, les tubes à essai et les éprouvettes finissent par éclater en mille morceaux sous la pression de textes trop longtemps retenus. Le groupe découpe le quotidien, dissèque le non sens, fait la pluie et le beau temps ( De La Neige En Eté ). Pendant les reste de l'année ( 365 Jours Ouvrables ), Diabologum fera comme d'accoutumée l'école buissonnière, mais n'en restera pas moins l'un des élèves les plus appliqués du rock français. Chez Lithium, on peut être fier de sa classe de surdoués.

Jean Noël Dastugue, Magic #11, Novembre/Décembre 1996.

 


Sur la foi de Sticky hair-pin, sommet du premier album de Diabologum, on pouvait prévoir l'avenir de ce groupe. Une vie en ligne brisée.

Trois tiers

#1. Et si on parlait de musique? On se souviendrait alors de Sticky hair-pin, 1993, neuvième plage du premier album de Diabologum. Sur ce morceau, justement, Diabologum ne chantait pas et jouait à peine. David Lynch prêtait à Sticky hair-pin la scène terrifiante de l'accident de voiture dans Sailor & Lula. Autour, Diabologum se contentait de lâcher quelques larmes compatissantes de guitare acide. Le groupe faisait déjà ce qu'il sait le mieux faire : vampiriser le meilleur des autres. Autour de Sticky hair-pin - un des chocs musicaux d'une année qui n'en a pas manqué -, on entendait une reprise de Bongwater et une autre de Jad Fair, des samples de Nirvana et Woody Guthrie, un mambo joué dans un parking souterrain à l'heure de la sortie des bureaux. Diabologum, c'était l'ambassade du tiers-Etat américain sur le sol français. Peu importe si ce groupe chantait un peu comme un pied et jouait comme une chaussette trouée : avant d'aimer (beaucoup) le premier album de Diabologum, on aimait y contempler une partie de sa discothèque. Diabologum aurait très bien pu en rester là, à greffer ses disques sur ses livres et ses livres sur ses films, durer tranquillement dans cet état assez gracieux de groupe français qui n'a pas l'air de faire du rock.

#2. Avec Le goût du jour - acidulé -, deuxième album qui fait l'inventaire des courants d'air, l'art semble facile mais la critique devient difficile. On aime et on déteste à la fois ce groupe flemmard mais lucide, qui préfère encore citer Unsane et Kitten plutôt que les singer vainement. Prêt à s'engager, mais décidé à ne pas le faire, Diabologum avance dans un néant à couper au couteau. Gros potentiel, mais gros poil dans la main. L'insousiance frôle l'insignifiance.

#3. Un album au goût du jour : Diabologum a écouté la musique de Tricky et les rimes de MC Solaar. Surtout, Diabologum a vu le vide sous lui et passe à l'acte. Fini de rigoler : ces fumistes surdoués, nihilistes de salon poliment révoltés, acceptent enfin de s'occuper un peu de musique, de mettre le feu à leur médiathèque. #3 est un disque qui déborde, qui écorche, qui échappe à la raison de Diabologum, pris de fièvre, poussé par le doute et une peur sourde. Sur La Maman et la Putain - grand moment -, Diabologum renvoie un écho amplifié à Sticky hair-pin. Diabologum ne voulait croire en rien, ne voulait pas s'engager. Sur ces six minutes de paroxysme, le micro coupé, il a pourtant tout donné, abandonné toute sa culture pour la rage froide des guitares hardcore. Humblement effacé derrière un monologue terrifiant du film de Jean Eustache, Diabologum joue à merveille son rôle de capteur et passeur d'émotions. Pour l'avenir, on rêve encore plus haut d'un album plein de Sticky hair-pin et de La Maman et la Putain, d'un disque où Diabologum se contenterait de happer l'auditeur avec des musiques de films à regarder les yeux fermés. Comme chantait Diabologum sur Le goût du jour : mieux vaut se taire.

Stéphane Deschamps, Les inrockuptibles, n° 77, 30/10/96.


#3 d'après Michel Cloup

Diabologum viennent de sortir leur troisième album. Leurs textes sont avant-gardistes, poétiques et politiques : du style et de la sensibilité sur un fond noisy (type Pavement et Codeïne).

Michel : "Le français permet d’exprimer des émotions plus complexes que l’anglais. La langue anglaise est plus directe, ceci dit c’est l langue du rock...Le fait d’écrire des textes en français nous permet parfois d’être plus complexes, d’avoir plus d’impact."