Discorama Kat Onoma

Cupid 1988
Stock Phrases 1990
Billy The Kid 1992
Far From The Pictures 1996
Kat Onoma 2001
Happy Birthday Public 1997

 

 

Il finit par arriver comme prévu, mais flanqué des autres membres de Kat Onoma, parmi lesquels son camarade de jeu, Philippe Poirier. La table est petite, le restaurant aussi. On se serre et les cafés également. Le mains que l'on puisse écrire est que rien n'a jamais été simple pour ce groupe quasi mythique, adulé par la presse, un public voué à sa musique et sa cause et Française Hardy qui, des éloges, est récemment passée aux actes en demandant au grand Rodolphe Burger de collaborer à ses deux derniers albums. Le choix de l'anglais comme langue porteuse, les affres du business, des décisions artistiques revendiquées mais très éloignées des sentiers battus, tout concourt depuis les débuts et un maxi paru en 1986 (aujourd'hui top collector) à faire de la carrière de Kat Onoma un véritable parcours du combattant rock. Itinéraire d'un groupe gâté, aux sens propre et figuré.

L'impasse totale

Rock&Folk : Comme le 4-tites qui précède sa parution, "Cupid", votre premier album en 1988, est totalenent chanté en anglais.

Rodolphe Burger : Effectivement, ce maxi sur Attitude Records, uniquement disponible en vinyle, a été très important puisqu'il nous a servi de carte de visite. Il a permis d'obtenir un peu de presse mais la réception des rnciisons de disques était unanime : nous n'avions aucune chance en France, il fallait aller voir en Anglererre.

R&F: On est alors en 1985-1986, c'est le début du rock alternatif....

Rodolphe Burger: Oui, mais chanté en français. Les labels faisaient un blocus. On a donc persisté et produit "Cupid", à 100 % dans le studio le moins cher d'Europe, en une semaine. Attitude ayant fait faillite, nous étions livrés à nous-mêmes et dédaigneux des critères d'acceptabilité.

R&F : Une Mique Mak en train de naître ?

Rodolphe Burger: Dès le départ, il a fallu reconsidérer notre position. Lorsqu'on s'est rencontrés, on avait déjà vécu des choses au plan musical, on avait nos fantasmes et notre seule idée était d'avancer. Il faut savoir qu'au début, on ne faisait que des reprises, les compos sont venues bien après. On a longtemps cherché quelle forme donner à notre désir musical.

Katanomesque. Selon Rodolphe Burgere c'est l'expression qui qualfie le mieux la musique de son groupe. Débutée au milieu des années 80, cette saga plus souterraine que veloutée méritait bien d'être décrite étape par étape, disque après disque.

 

R&F : D'ailleurs, vous esfimez, en enregistrant "Cupid", qu'une seule guitare suffit à votre son.

Rodolphe Burger: Effectivement, on a appelé le guitariste que nous jugions vital au départ pour lui dire de ne pas venir.

R&F: Bon choix: sans ce coup de fil, tout aurait été différent..

Philippe Poirier: Notre seule ligne de conduite était de ne pas en avoir. On pouvait tendre vers des choses exclusivement instrumentales tout en sachant qu'à la base, notre culture était essentiellement anglo-saxonne. Hormis Areski et Fontaine, peut-être...

R&F: Justement, Higelin était alors un des seuls Français à avoir la cote chez les rockers en VO.

Rodolphe Burger : Effectivement, sinon c'était l'impasse totale.

R&F :"Cupid" regroupe donc vos premières compositions mais par contre, c'est l'écrivain Pierre Alferi qui signe les textes.

Rodolphe Burger: On était tvoisins et on est demu amis. On écoutait de la musique ensemble et j'ai découvert son travail d'écriture. Lorsque je lui ai proposé de faire des chansons pour nous, ça l'a totalement dérouté mais il a finalement accepté.

R&F - Pour l'anecdote et malgré ce parti pris anglo-saxon, on remarque qu'une version en français de "Cupid" clôt ce prernier album.

Rodolphe Burger : C'était pour marquer le fait qu'on n'était pas complètenet vendus à la cause anglo-saxonne (rires). Nous considérions au départ que l'anglais était une déterminante du son que nous aimions et souhaitions reproduire.

R&F : Une image un peu intello du groupe se dégage très tôt. A quoi l'attribuez-vous ?

Rodolphe Burger: En fait, au départ, il n'y avait pas d'image. On s'en foutait, on essayait de l'esquiver au maximum. On mettait des peintures sur nos pochettes, on ne nous reconnaissait pas sur les photos. On assumait le rock dans le son mais on résistait à la rock attitude, sans mépris, mais parce qu'on n'était pas dans ce trip-là. Et donc, je suppose que ce genre de réflexions venait de là.

R&F - Dans le même temps, vous repreniez "Be Bop A Lula" ou "Wild Things" sur vos disques, de quoi ajouter à la confusion.

Rodolphe Burger : Le rôle de l'image est prépondérant dans le rock mais à la fois, le Velvet Underground d'avant Warhol n'avait que deux ou trois photos à montrer à la presse. Rien n'était recherché et les lunettes masquaient le fait qu'ils étaient vraiment défoncés.

Anamorphoses

R&F -. Dès "Stock Phrases", le deuxième album en 1990, on a l'impression d'un groupe plutôt ambient plutôt que purement mélodique, qui privilégie l'atmosphère électrique au détriment du refrain qui tue.

Rodolphe Burger: C'est pas pop (rires)?

R&F . Non, mais pas franchement rock non plus: Deep Purpie, c'est rock et lorsque le refrain arrive il faut se mettre aux abris. Vous tendiez plutôt vers Cure...

Rodolphe Burger : Il est vrai qu'on escamote souvent. On n'aime pas les bascules évidentes. En fait, et cela vient de notre culture et notamment de celle de Philippe, il y a du jazz dans Kat Onoma. Un certain malentendu s'est d'ailleurs installé: c'est à cause des cuivres que les gens portaient de jazz alors que c'est le fond de notre musique qui évoquait ce genre et non sa forme. On ne prône pas l'efficacité immédiate, on essaye d'élaborer des textures un peu distendues. On peut très bien citer un thème d'Ornette Coleman mais à la fois, on est très loin de la fusion par exemple.

Philippe Poirier: Kat Onoma est également un groupe qui n'a jamais hésité à faire évoluer son répertoire sur scène. On se pose toujours la question de savoir ce que l'on va bien pouvoir extirper de la matière mise à notre disposition.

Rodolphe Burger : Le rock permet de faire des chansons sans en faire vraiment: nous adorons cette souplesse.

Philippe Poirier : Se mettre à composer nous a pris du temps car on avait du mai à trouver le nord dans notre musique. Notre passé underground prévalait encore durant l'enregistrement de "Stock Phrases".

Déroute totale

R&F : Sur "Billy The Kid" en 1992, arrivent les premières machines.

Rodolphe Burger: Des boites à rythmes essentiellement et, du même coup, le tempo s'accélère.

Philippe Poirer : Heureusement, notre batteur, Pascal Benoit, jouait toujours au fond du temps, ça ralentissait un peu (rires).

R&F - Pour"Billy The Kid", on parlait à l'éfflue de concept-album.

Rodolphe Burger: Une fois de plus, tout paraisait gambergé, manigancé, ce qui n'était évidemment pas le cas. L'idée de départ n'était pas du tout de créer tout un album à partir de l'oeuvre de Jack Spicer, c'était plutôt un déclencheur. On a commencé par faire "Will You Dance", et les choses auraient pu en rester là. Mais Pierre...

R&F . Devenu Thomas Logo durant ces entrefaites, il faut suivre...

Rodolphe Burger : Exact. Pierre s'est donc mis à dériver et d'autres textes comme "Le Désert" sont arrivés mis, une fois encore, rien n'était prémédité. Le concept est venu après coup. C'est là que se plantent les gens qui estiment qu'on gamberge.On est effedvement capables de passer des textes en contrebande mais on n'est pas dans une démarche intellectuelle en ce sens qu'on n'écrit jamais par crvance les choses sur le papier.

R&F. Toujours est-il que les disques commencent à se vendre, la presse vous aime tout en continuant à voir et entendre du cérébral là où il n'y en a pas.

Rodolphe Burger : Le truc salaud, c'est que certaines personnes nous disaient : "Arrêtez la bibliothèque." C'est d'autant plus drâle qu'en France, pays de l'enflure et de la prétention, n'importe quel chanteur qui écrit se prend pour un poète. Il se trouve qu'on a des amis qui lisent et nous apportent de la bonne came. Spicer est vraiment rock'n'roll, c'est pas du Prévert.

R&F . "Billy The Kid" sonne mieux maîtrisé au plan de la production.

Rodolphe Burger : On commençait à faire de meilleurs choix. On a créé une vraie équipe son, Philippe s'est mis à la guitare.

Philippe Poirier: Cétait moins trouble, plus construit.

Rodolphe Burger : Et pour la première fois, les titres n'avaient pas été joués live. C'est vraiment un disque né en studio.

Dans la nature

R&F -. L'alburn suivant "Far From The Pictures", n'arrive qu'en 1996.

Rodolphe Burger : On a dû un peu cesser nos activités après la déroute Fnac Musique. Certains ont trouvé d'autres occupations. Moi, je passais mon temps avec les avocats, à essayer de rompre le contract. On voulais tout faire pour ne pas être mis aux enchères au moment de la fin effective du label. On a fini par récupérer notre catalogue et nous sommes redevenus producteurs à notre musique. "Far From The Pictures" a donc été amorcé à l'époque de Fnac Musique puis terminé ensuite. Le disque a été enregistré et mixé à ICP, John Astry (Boss du fameux studio bruxellois) a été royal.

R&F : Ce qui frappe à son écoute, c'est une indéniable maturité, une certaine aisance également et puis "La Chambre", ce titre en français un peu Gainsbourg, votre première vraie réussite dans cette langue.

Rodolphe Burger : Disons que le disque ci bénéficié de nos expériences personnelles. Sur "Cheval-Mouvement", j'avais travaillé avec d'autres auteurs, Olivier Cadiot ou Anne Portugal, et un titre comme "La Chambre", très minimaliste, oblige à ne pas tricher. Dans un tel contexte, la musique limitée à quelques instruments et le texte ont autant d'importance.

R&F - Vous partez en tournée dès la parution du disque.

Rodolphe Burger: Oui, sauf qu'on arrive sur une major et, pour ne pas changer, l'équipe qui nous signe disparait presque aussitôt après. C'est une fois partis qu'on apprend la nouvelle. On est lâchés dans la nature, aucun travail n'a été effectué sur les dates de concert et, hormis les villes dans lesquelles nous suit un public de fidèles, la situation parait à nouveau un peu bizarre.

R&F: Malgré ce problème de label, les choses bougent . Francoise Hardy, qui n'a jamais dissimulé sa passion pour Kat Onoma, vous sollicite pour écrire des titres sur son album "Le Danger". Bashung suivra...

Rodolphe Burger : Je n'ai écrit pour elle que parce que c'était elle. Elle venait aux concerts au New Morning, on s'est un peu écrit, et lorsqu'il a été question pour elle de refaire un album, elle m'a envoyé une très longue lettre, m'expliquant précisément ce qu'elle attendait de moi. Ses indications étaient si claires que je n'avais plus qu'à les suivre. Une fois encore, le résultat est assez katonomesque (rires).

De gauche a droite: Pascal Benoit (Batterie) - Pierre Keyline (Basse) - Rodolphe Burger (Guitare, Chant) - Philippe Poirier (Guitare - Saxophone) - Guy Bix Bockel (Trompette)

 

Pays des Mickey

R&F - Pour fêter vos dix années d'existence, vous publiez en 1997 un double alburn live enregistré à deux endroits.

Rodolphe Burger: A la différence de beaucoup de disques live, celui-là est un réel désir du groupe et pas du label. Par exemple, on aurait pu faire paraître les bandes de l'Olympia mais on a préféré remettre tout à zéro et appréhender les chansons non pas en public mais avec le public: en clair, on joue différemment en présence des gens. On a donc mis des titres en boite suivant ce principe, dans un endroit complètement hors système, le Garage, peu propice, mais qu'on a rempli avec le bouche à oreille. Notre musique est alors devenue plus acoustique, le batteur s'est mis aux balais...

R&F . Un brin unplugged, cette affaire.

Rodolphe Burger: A chaque concert, l'approche du répertoire était modifiée de manière sensible. Après quoi, nous avons joué deux semaines au Pigall's dans un contexte beaucoup plus électrique où nous avons également revisité nos chansons.

R&F . La même année, parait le single "Egal Zéro", un véritable coup de latte dans la fourmilière du Front Nafionai qui prenait alors une terrifiante ampleur.

Rodolphe Burger : C'est un pamphlet fait dans l'urgence par rapport aux événements de Vitrolles et à un congrès du FN qui se préparait à Strasbourg. D'un autre côté, avec Pierre Alferi, on se disait depuis longtemps que la contestation politique sous cette forme ne devait pas être l'unique apanage du rap.

R&F . On remarque que vos projets parallèles s'intègrent parfaitement dans la logique du groupe: on peut esfirner qu'un fan de Kat Onoma normalement constitué doit s'y interesser autant qu'aux albums en commun. "Meteor Show", comme "Qui Donne Les Coups', l'album de Philippe Poirier paru la même année, s'inscrit parfaitement dans votre ligne musicale.

Rodolphe Burger : Pour nous, cette phase où l'activité solo complète et enrichit celle du groupe est fantastique. Il y a un échange très intéressant.

R&F -. Dont se ressent tout particulièrement votre album à paraitre, un authientique disque de Kat Onoma.

Rodolphe Burger : C'est le premier disque caractérisé par une action positive commune qui associe Kat Onoma et un vrai label. L'album a été pris en main par quelqu'un qui connaît bien le groupe, qui l'a suivi et a fait de véritables propositions créatives.

R&F : Souvent, après quinze ans d'activité discographique, les groupes splittent au évoluent en solo. Ayant décongestionné et régulièrement assaini votre carrière avec des projets parallèles, vous continuez d'crffimier haut et fort l'entité Kat Onoma.

Philippe Poirier: Dès le début, on avait évoqué ce désir de se consacrer à plusieurs projets tout en restant fidèles à une sorte de collectif...

R&F : Rétrospecfivenient, quel regard jetez-vous sur cette carrière déjà bien remplie ? Des regrets ?

Rodolphe Burger: On aurait sûrement préféré que le business ne nous mette pas autant de bâtons dans les roues. On aurait pu enregistrer plus de disques et il est parficulièrement dimcile de maintenir le cap dans des conditions comme celles que nous crvons connues. Il nous a fallu beaucoup d'énergie et de ténacité. Mais on a toujours été très soutenus par notre public et ce genre de relation est très précieuse. Il est certain que nous avons passé beaucoup de temps à faire autre cbcge que de la musique pour avoir le droit, de temps en temps, d'en faire un peu. On peut déplorer qu'en France, formidable terre d'accueil pour les artistes anglo-saxons, la variété continue de régner. Même le rap fait porte des meubles aujourd'hui. Il n'y a jamais eu en France d'ouverture vers une forme de rock comme on l'entend nous. La France a toujours un peu été le pays des Mickey. Heureusement, depuis peu, grâce à Daft Punk ou Air, les choses semblent évoluer de manière favorable.

 

propos recueillis par Jérome Soligny Rock & Folk Mars 2001

CD "Kat Onoma" (Chrysalis EMI)