" Rouge, couleur de la vivacité"
Extrait de l'interview parue dans Art Actuel N°17 Nov-Dec 2001 par Maïa de Martrin Art
Actuel - Vous avez réalisé la pochette et une grande partie des
visuels du dernier album de Noir Désir , "Des Visages des Figures" .
Comment s'est passée cette collaboration ?
Franyo Aatoth- Bertrand Cantat, le chanteur du groupe, est un
ami. Nous sommes allés ensemble en Mongolie. Au début , nous avions
parlé d'un visuel photographique. Petit à petit, nouds en sommes venu
à l'idée d'une peinture. C'est Nini Barthe , le batteur du groupe ,
qui a trouvé dans mon atelier une toile, " Les nouveaux cowboys" qui
collait parfaitement à leur message. " Les nouveaux cowboys " sont un
conte de fées sur la brutalité. A l'époque de la conquête de l'Ouest,
un mythe a été créé, celui des cowboys. Le cowboy avec son banjo exprime
le romantisme d'un holocauste. Ces braves types qui n'avaient peur de
rien, flinguaient les méchants Indiens sous pretexte de les "civiliser",
alors qu'ils ne voulaient que voler leurs terres. Ces brutes sont devenues
petit à petit plus fréquentables, mais les indigènes ont été exterminés
("Un bon indien est un indien mort") ou forcés à s'installer dans des
réserves misérables . Ils servent aujourd'hui de figurants dans un décor
à Disneyland.
AA-Comment faites-vous le lien entre cette analyse et l'actualité
? FA- Actuellement , on peut constater à quel point sont présents ces " nouveaux cowboys". Ces possédés du pouvoir ont gardé l'esprit de conquête, bien qu'il ne reste plus de territoires à conquérir. Ils se justifient en ayant recours à des grands mots, tels que la Famille,Dieu,Patrie,etc...C'est le régne du double langage et du cynisme. Pour eux ;tous les coups sont permis. Tout ce qu'ils veulent, c'est l'installer tour à tour sur la "chaise du pouvoir", jamais vacante mais toujours à prendre. dans mes tableaux , la chaise symbolise le pouvoir en place.
AA - L' album est sorti le jour de l'attentat contre le world
Trade Center à New York. Voyez-vous dans la violence de cette pochette
comme une prémonition à la barbarie qui s'est déclarée ce jour -là?
FA-L'image illustrant la chanson" le grand incendie" présente
New York en flammes , avec au centre la statue de la liberté. On pense
bien sûr tout de suite aux Twins Towers qui se situeraient à droite
de l'image? Ca nous a fait un choc...De là à parler de prémonition,
il ne faut pas exagérer. Je suis évidemment contre tous les massacres,
qu'ils soient médiatisés ou non.
AA- Noir Désir vous a d'ailleurs aussi choisi parce que vous
n'hésitiez pas à vous engager.
FA- J'ai travaillé , en relation avec d'autres artistes , pour
l'album " Tibet Libre" , sorti en 2000 . Il réunit des textes , des
informations précises sur un génocide culturel et humain commis dans
ce pays "libéré" par la Chine populaire en 1949. plus de soixante artistes
ont collaboré à cet album comme Hervé di Rosa, Robert Combas ou Moebius
, etc.La couverturea été créée par Ben. j'ai aussi de la sympathie pour
la cause tzigane. Depuis toujours , c'était u peuple qui n'avait pas
de frontières , aucun pays auquel se raccrocher et pour autant ils ne
sont pas déracinés. En Hongrie et ailleurs, ils doivent
AA- La
couleur rouge revient en permanence dans vos toiles . Pour quelle raison? FA- C'est une couleur forte qui exprime la vivacité. Au début, je travaillais avec des couleurs plus sombres, le noir, l'ocre, le gris. J'ai même utilisé du sable, une matière extraordinaire, témoin d'une histoire qui passe par le vent, par la mer , et symbolise la mémoire. Et puis le rouge est arrivé. Une couleur jusqu'alors très dosée dans la création picturale, comme le paprika. Moi, je l'ai cuisinée plein pot, pour bien faire revenir la sauce. Les Hongrois sont excessifs. En fait, mon rouge n'est pas un rouge monochrome.Il est au contraire complexe. dans ma peinture, on trouve aussi du noir, du vert, et le rouge naît d'un ensemble de couleurs, mijoté à feu doux depuis maintenant trente ans. AA-
Les chevaux occupent une grande place dans vos tableaux. FA- Ces limousines des steppes ont été ma grande découverte en Mongolie. Lorsque les chevaux vont s'abreuver, par exemple, le chef passe en premier et les autres suivent lentement , comme dans un rituel. Le temps n'a plus ni début , ni fin, au contraire de la notion qui domin dans notre société occidentale. Le temps est une création humaine et cette notion est si différente dans chaque société. Si je dis :" Je vais mourrir" , la question suivante sera logiquement: "Quand ? Au printemps , en hiver? dans une heure ou dans une minute? dans un an ou dans dix ans?" En Mongolie, par exemple quand un nomade dit qu'il va venir vous dire bonjour , même s'il met deux jours , soyez sûr qu'il viendra. Les Occidentaux ont du mal à décoder ce système de pensée. ....... RETROUVEZ LA TOTALITE DE L'INTERVIEW DANS LA REVUE ART ACTUEL DE NOVEMBRE |