En seize longues années, Noir Desir a toujours fait sans fauter. Ou presque. A deux doigts de la rupture, qu'ils arrivent à repousser encore aujourd'hui, le groupe est paradoxalement en pleine forme. Alerte sur la scène d'Athanor, en décembre dernier, on a officialisé nos retrouvailles. Options indés réaffirmées, place au sommet confortée, nos amis de Bordeaux comptent bien résister à l'usure du temps. Avec comme unique boussole, une exigence de tous les mots, de tous les chiffres. Place au chant des quantiques !
En lisant vos dernières interviews, vous présentez l'après "Tostaky" comme une suite d'événements plutôt déstabilisants pour le groupe. Le futur de Noir Desir est-il aujourd'hui si difficile à entrevoir ?
Serge Teyssot-Gay : D'abord, on n'a pas l'impression que ce fut un peu plus difficile que précédemment. En revanche, il faut bien dire que les morceau ne tombent pas du ciel comme ça. Disons qu'il faut chercher les bonnes idées au sein du groupe pour que ces bonnes idées soient retenues.
Denis Barthe : Peut-être que cela a été un peu plus difficile à vivre. C'est sans doute par peur du passé. On était restés sur un disque live, une grande tournée, et sur un "Tostaky" qui avait surpris par bien des facettes. Et puis, nous étions un peu plus attendus au tournant, on s'attendait nous-mêmes au tournant. Ce qui a changé beaucoup de choses...
Cette nouvelle pression était-elle saine à supporter ?
Bertrand Cantat :Qu'on se mette un peu la pression pour le faire ? Je parlerai plutôt d'émulation. Et puis, la pression, c'est plutôt après qu'on l'a.
S.T-G. : C'est carrément nécessaire de l'entretenir. Une émulation nouvelle, saine et intéressante.
D.B. : Même pour repartir en arrière. Et, cette fois-ci, on a eu l'impression de repartir de rien du tout !
Rien du tout, ça signifie qu'en changeant de bassiste, Noir Desir n'est plus vraiment le même groupe ?
B.C. : Mais bien sûr, oui. On avance avec nos accidents de parcours. L'arrivée de Jean-Paul ne s'est pas trop mal passé... et puis, ce n'est pas aussi important. Je sens que je vais me faire fusiller (rires). Non, en fait, on est très bien avec Jean-Paul! Sans dec', ça se passe bien et ça nous fait plaisir.
N’empêche qu'à un moment donné, ça a quand même mis le groupe en danger...
B.C. : Non, d'autres choses ont mis le groupe en danger. C'est pour ça que je t'ai dit que cela n'avait pas été aussi important. Ce n'est pas la plus grande menace qui a planée sur le groupe. En tout cas, pas en tant que telle, c'est lié à d'autres choses, oui. C'est assez inexplicable en fait.
Les autres choses que tu mentionnes sont-elles liées aux parcours individuels de chacun qui peuvent parfois s'éloigner du rock ?
B.C. : Non plus. En fin, oui, en fait. Evidemment mais pas de façon aussi stéréotypée- . Pas forcément parce que quelqu'un veut faire son truc ce son côté. La menace, ce serait le malentendu qui peut se créer très très facilement quand les gens sont tout le temps les uns sur les autres.
Vos périodes sabbatiques sont là pour ça...
B.C. : Oui, c'est essentiel pour nous. Pendant ces périodes-là, le groupe n'existe pas. En tout cas, c'est comme s'il n'existait plus.
A quel moment se fait le déclic, et si le déclic Noir Desir ne revenait pas ?
D.B. : On finit toujours par se retrouver et ça recommence au moment ou l'un d'entre-nous propose des chansons. D'abord, on discute. Ce n'est qu'après qu'on joue. On recommence à jouer, et ce n'est pas toujours très brillant. II faut d'abord sentir si on a encore des trucs à partager ensemble. C'est d'une certaine manière, réapprendre à jouer ensemble.
B.C. : Je peux avoir des idées de chansons avant, mais il n’empêche qu'on a nécessairement besoin d'en passer par là. Histoire d'être à peu près en phase, quoi.
Vous ne risquez pas de vous sentir de plus en plus en déphasage à chaque fois que vous vous retrouvez ?
B.C. : On s'aperçoit que les choses ont changé puisqu'on se laisse vivre d'autres choses. Ces expériences-là s'additionnent les unes aux autres et on peux avoir un moment où l'on se cherche.
Le fait de mettre le groupe en danger est-elle une petite stratégie de défense ?
B.C. : Non, je n'aime pas le mot stratégie. Mais il semblerait que, par répétitions, cela le devienne. Mais pas comme quelque chose de pensé. Je veux dire qu'on a plutôt toujours réagi en fonction de ce qu'on ressentait sur le moment. C'est-à-dire que tu en arrives à un moment où tu te sens fatigué, t'en a marre de tel ou tel truc, tu as besoin d'autre chose. Et bien, tu le fais. Tout simplement. Parfois, tu as besoin d'autre chose par contraste, tu as besoin d'oxygène, tu as besoin de nouvelles nourritures, tu as besoin de liberté. Tu as besoin de te reconstruire si tu es un peu détruit.
Jean-Paul, quelle différence ça fait d'être un membre de la famille Noir Desir ?
J-P . : Ca prend plus de temps ! Ca fait longtemps que je joue. Dans ma vie, c'était déjà assez important, c'est devenu une de mes activités principales. J'en suis très content. J'était roadie, je suis désormais musicien dans Noir Désir. La différence est que ça prend plus de temps sur des périodes plus longues... Je comprends maintenant mieux qu'on ait besoin d'oxygène, qu'on ait besoin de voir ailleurs ce qui se passe. Je comprends mieux pourquoi le groupe a besoin de pauses. En ce moment, je suis Noir Désir vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et il ne peut pas y avoir que ça dans ma vie. Ca ne me servirait à rien du tout
C'est tout de même assez rare de voir un roadie d'un groupe membre à part entière du même groupe...
J-P. : C'est la première fois que ça m'arrive ! (rires)
D.B. : Remarque que le contraire est encore plus rare aussi. Tu vois le bassiste de Oasis devenir le roadie des Inspiral Carpets ! (rires)
J-P. : En fait, ce n'est pas parce que je savais accorder les guitares de Noir Désir que je suis devenu le bassiste du groupe. Pas uniquement pour ça. En tout cas, les autres ne m'ont pas choisi pour ça.
En vous voyant l'autre jour en répétition à Trappes, j'ai ressenti que beaucoup de choses étaient supportées par les épaules d'un chef d'orchestre qui serait Bertrand. Qu'en pensez-vous ?
B.C. : Ca dépend des moments. Je ne suis pas chef d'orchestre de toute façon. Les moments où il est le plus flagrant que je possède une oreille générale, c'est quand je construit les morceaux. Là, à cet instant là, je suis bien obligé de me mettre un peu à leur place. Après, Sergio a bien souvent ce rôle, Denis aussi parfois. Je ne suis pas chanteur pour moi, je n'écris pas pour moi mais pour un groupe. A partir de là, il faut que je possède la conscience des morceaux. Je les écris déjà à la base, textes et musiques. Mais je ne suis pas chef-d’orchestre, le terme n'est pas bon en l’occurrence. Je suis, en revanche, sensé avoir conscience de la totalité des choses.
Comment voyez-vous votre évolution musicale depuis "Tostaky" ?
B.C. : On fonctionne vraiment au coup par coup. On en est là, mais tu peux dire aussi ce qu'on n'a pas fait pour en arriver là. II y aurait pu y avoir d'autres disques entre "Tostaky" et "666 667 Club". Comme plusieurs branches qui poussent à l'arbre et qui, pour tout un tas de raisons, n'ont pas été retenues. et, si tu retrouves trois ans plus tard, c'est encore autre chose. Ces petites branches, qui avaient commencé à pousser, sont greffés dans le tronc et vont repousser plus loin pour redonner d'autres branches. Ce ne sera pas la même chose. C'est comme intégrer des choses qui étaient auparavant occultées. Tout ça pour te dire que c'est impossible de savoir six mois à l'avance ce qui va nous nourrir.
Certains de vos albums ont fait avancer un peu plus la maison Noir Desir, qu'en pensez-vous ? "Tostaky" est-il allé un peu plus loin que le dernier album ?
B.C. : Un peu plus loin dans un certain sens. Il était très simple, très très fluide (avec une pointe de nostalgie).
D.B. : Je pense qu'on est aller au bout d'un truc. Même inconsciemment, faire un live après "Tostaky", c'était comme pour marquer la fin de quelque chose qui se terminait avec "Tostaky". La tournée qui a suivi ce disque a lancé un tourbillon, et je pense qu'on s'en serait pas sortis si on avait pas marqué une longue coupure. Pour le dernier album, on est arrivés avec d'autres choses dans nos poches et dans nos têtes. On n'avait pas du tout le même état d'esprit, pas du tout les mêmes sensations musicales. Avec tout ce qu'on a vécu de douloureux dans l'année précédente, le fait aussi de s'en être sortis -je dirais - avec les "honneurs", cela nous a encouragés.
Certain de vos textes sont explicitement politiques, en tout cas plus qu'avant. Le groupe entend-il désormais être un groupe plus inscrit dans la "vraie vie", dans la réalité de son époque ?
B.C. : Oui certainement, mais comment peut-on faire autrement. On ne peut pas rester indifférents face à ce qui nous entoure sous prétexte d'être de simples artistes. Mais je ne pense pas que mes textes sont plus ancrés qu'avant sur le monde, ils étaient peut-être plus ancrés sur mon monde et sur celui qui m'entourait directement. Je ne parle que de ce que je vis mais je vois mieux de ce qui se passe à coté.
Et en ce qui concerne le jugement fait à Toulon aux rappeurs de NTM ?
B.C. : C'est évident qu'on ne peut qu'être solidaire d'un groupe qui est attaqué de la sorte. C'est une affaire grave pour tous. Même si l'on ne partage pas tout à fait les idées de NTM. On préfère celles d'Assassin. Ces derniers ont un discours beaucoup plus cohérent, beaucoup plus d'aplomb. IIs ont une provocation qui a un sens.
Cela fait seize ans que vous faites de la musique, croyez-vous toujours en son pouvoir ?
B.C. : Oui plus que jamais. Alors, sur cet aspect des choses, il n'y a pas de problèmes, on est partant, on croit toujours que la musique peut sauver des gens, les divertir, les informer. Faire que les gens se révèlent même quand ils écoutent Noir Desir. Notre musique est déjà révélatrice de ce que nous sommes, c'est en quelque sorte une psychanalyse permanente et en direct de ce que Noir Desir est à un moment donné.
Avant de vous décider, débattez-vous toujours autant à l'intérieur du groupe ?
B.C. : Curieusement oui. Et, en même temps, comme on se connaît depuis longtemps, il existe des automatismes qui font que les choses se décident naturellement sans vraiment se concerter. Aujourd'hui, on se pose autant de questions qu'avant, mais on n'a pas la nostalgie des premiers jours, où tout était en chantier, en friche.
Estimez-vous être passée à l’âge adulte en faisant du rock une activité professionnelle ?
B.C. : Je ne sais pas vraiment ce que c'est que l'âge adulte. Nous avons vieilli et passé avec le rock à l'âge où l'on est un peu plus sages. On est plus cyniques par rapport aux choses du rock désormais. C'est peut-être prendre conscience de l'âge adulte... Ca change quelques perspectives, et ça permet de relativiser le succès que l'on peut rencontrer en écrivant des chansons. On ne passe pas notre temps à penser comment Noir Desir sera perçu dans cinq, dix ou quinze ans. On s'en fout de ça.Vraiment. D'ailleurs, nos périodes sabbatiques sont là pour nous faire penser qu'on a nos vie à vivre... Quant au groupe, il y a toujours l'album à préparer, celui qu'on a dans nos têtes. Comme un disque à sortir ou à ne pas sortir. Noir Desir est un groupe qui peut réellement s'arrêter du jour au lendemain, d'un commun accord de ses quatre membres et sans préavis pour les gens qui l'entourent.
Enregistrez-vous alors une suite à "666 667 Club" ?
B.C. : On ne sait pas aujourd'hui. C'est possible. Si on est toujours en route pour la joie, alors oui, il y aura d'autres chansons à écrire !
blind test
1.Palace Music - "Stablemate"
B.C. : C'est Palace (au bout de dix secondes). On adore ça.
S.T-G. : Ce qu'ils font est très personnel avec cette fine touche de piano qui intervient souvent dans les compos avec un travail sur les harmonies incroyablement bien agencées. Ils font une musique moderne et portante. A aucun moment c'est rétro comme on peut parfois l'entendre à leur sujet.
B.C. : Je trouve que c'est bien en phase avec l'époque, avec une partie de l'époque en tout cas. Une belle chanson, une bonne ambiance, un bon esprit, c'est le pied.
2.Pearl Jam - "Who are you"
B.C. : (au bout de deux minutes infructueuses, je leur dévoile le nom) On n'aime pas trop ça a priori. Mais, tu vois, cette chanson m'a l'air belle. C'est toujours intéressant de mélanger d'autres sonorités au rock. Et tu vois, je ne pensais pas qu'un jour Nusrat Fateh Ali Khan me ferait découvrir Pearl Jam !
D. : C'est Pearl Jam ça. J'en crois pas mes oreilles ! C'est bien.
3.Gun Club - "Sex Beat"
S.T-G. : Ah oui d'accord, c'est le Gun Club (reconnu en trois secondes à peine).
J-P. : C'est le Gun Club ou Jeffrey Lee Pierce tout seul ?
S.T-G. : C'est le Gun Club, un morceau de leur premier album, en 1981 ! Je confonds parfois ce morceau avec du Pere Ubu.
D. : Ca a été réédité en mini CD, "Sex Beat".
B.C. : Avant, on nous emmerdait tout le temps avec le Gun Club auquel nous étions comparés immanquablement. C'est vrai que c'était un truc qui revenait sans cesse. Ce morceau m'a marqué. Gun Club faisait partie de la seconde salve de groupe qui nous ont fait aimé le rock.
S.T-G. : Ce qui est marrant dans l'histoire, c'est que ce sont les journalistes qui m'ont fait découvrir le Gun Club ! Je leur disais que nous n'étions pas comme eux mais au fond de moi-même qu'il fallait absolument que j'écoute ce fameux groupe américain ! (rires)
B.C.: Sergio, par exemple, ne les connaissait pas.
4.Beck - "Devil's haircut"
S.T-G. : (en une seconde) Putain, ça c'est Beck !
J-P. : T'as vu le son ! Juste avec ce petit walkman ! (je leur annonce qu'il s'agit d'une version remixée par un des deux frères Gallagher de Oasis)
S.T-G. : Ah ouais ! J'en ai entendu parler. Mais je préfère la version originale, plus bricolo.
B.C. : Je comprends mieux. Le mix des guitares est vachement forcé... (je leur demande ce qu'ils pensent des remixes en générale, puisqu'ils n'en font pas) Nous, on n'a pas eu l'occasion de faire remixer nos morceau par quelqu'un d'extérieur au groupe. On n'est pas vraiment contre d'ailleurs mais on ne l'a pas encore fait car on se méfie des producteurs qui dénaturent grossièrement les morceaux. Tant de morceaux perdent vraiment leur personalité dans les remixes...
S.T-G. : La remixe est une facilité commerciale quand même. C'est pour faire rentrer les morceaux en club ou en radio. Nos chansons ne s'y prêtent pas toujours. Cela dit, on n'a pas peur du cinquième membre à partir du moment où l'on a donné la responsabilité d'un morceau au remixeur.
B.C. : Je considère la remixe comme une variante du morceau. Ce n'est jamais le morceau. Les remixes ne sont pas essentielles. Remixer, ça veut bien dire ce que ça veut dire.
5. Girls against Boys - "Disco 666"
B.C. : (en deux secondes à peine et avec une mine radieuse) Ca c'est "Disco 666" des Girls vs Boys ! Il est super ce morceau, ce riff de guitares est génial ! (je leur explique que ce morceau est interdit d'antenne dans certaines radios américaines qui voient là une évocation satanique évidente !) Censuré aux Etats-Unis ! Ca n'a rien d'étonnant. On se connaît mais, jusqu'ici, nous n'avons jamais ensemble. On va le faire très prochainement. Cet album aurait pu être travaillé différemment sur une major, mais ils l'ont vraiment fait sans se soucier du label sur lequel ce disque sortait alors qu'ils savaient que ce serait le dernier sur une petite maison indé, ayant signé sur Geffen. Cest une belle attitude. Surtout que le prochain disque sera certainement très différent.
6. Cat Power - "Nude as the news"
B.C. :Sonic Youth, non ?
S.T-G. : Garbage peut-être ?
D. : C'est entre les deux, alors !
B.C. : Un inédit de Sonic Youth, même pour eux ! (rires)
S.T-G. : Je connais ce truc, j'aime bien cette voix. Ah oui, je vois, c'est Cat Power. Un joli nom de groupe d'ailleurs. Un beau titre.
D. : Putain, j'ai encore rien trouvé ! (les autres se marrent) Décidemment, je ne suis pas fort à ce jeu là.
B.C. : C'est marrant que tu ais dit Denis que c'était entre Sonic Youth et Garbage, parce que c'est vraiment ça. Il y a beaucoup de personalité ici, mais il y a beaucoup de nouvelles chanteuses dans le même registre. Vachement plus qu'avant, putain ! Les filles ne se cantonnent plus au rôle de bassiste comme c'était le cas, il y a quinze ans.
7. Eels - "Novocaïne for the soul"
S.T-G. : Ca c'est Eels. Superbe.
B.C; : J'aime spécialement ce morceau. Je ne suis pas entièrement convaincu par tout le disque. Il n’y a rien qui ne soit aussi fort que ce single. Il arrive parfois que ce soit vrai... La mélodie est très accrocheuse, très pop. On sent que la chanson a été étudiée pour faire un tube, une chanson de toute façon vachement marquante, pop au sens où ils vont toucher large et pop au sens de la mélodie et de son utilisation par l’arrangement.
S.T-G. : C’est très réussi ici. Un petit bijou mélodique à tous les niveaux. Même avec la qualité médiocre du walkman, on s’aperçoit que tout a été travaillé avec minutie.
J-P. : En plus, c’est le premier disque qui sort sur le nouveau label monté par Steven Spielberg, Dreamworks.
B.C. : Evidemment, il s’agit d’un label qui a d’entrée une certaine puissance. (rires)
D. : C’est les communistes qui sortent ce disques? (les rires redoublent)
8. dEUS - "Little arithmetics"
S.T-G. : Oh oui, c’est dEUS (trouvé en quinze secondes).
B.C. : Tu vois, c’est un peu ce qu’on était entrain de dire sur la pop. Des fois, ils sont très libres et n’en ont rien à foutre d’être forcément mélodiques. Ils sont très libres d’esprit. Que ça s’appelle pop ou rock machin bidule, ils se foutent des étiquettes.
S.T-G. : C’est le même rapport avec la musique que Beck par exemple. Ils ont tous deux digéré et revisité plein de style musicaux différents en personnalisant une forme d’art bien à eux. Jusqu’au chant. Chez dEUS, c’est dans des tas de registres différents. C’est fort et ouvert.
B.C. : Le chant, chez eux, c’est déjà de la musique. On va jouer avec eux une dizaine de dates en janvier, comme avec les Girls avec qui on tournera après. Récemment, on les a vu à Paris. C’était très bien.
9. Oasis - "Wonderwall"
B.C. : C’est une rythmique qui nous ramène à "Bonny & Clide" ! (rire gébéral quand tout le monde reconnaît l’erreur d’aiguillage!) Ah oui, ok, mais je ne les connais pas encore (sur un ton blagueur). Oasis, c’est un résumé de plein de choses. Le problème avec eux, c’est qu’on ne peut résister tout à fait à certaines de leurs compositions. C’est terriblement efficace et simple à la fois. Et sortir des singles comme ça, ce n’est pas si simple. On dit toujours que c’est facile quand c’est évident mélodiquement. Mais, c’est faux de dire que c’est facile de composer des morceaux aussi simples que celui-ci. En revanche, les paroles sont vraiment cocasses. Il dit vraiment n’importe quoi dans "Wonderwall". Cette chanson ne te prend pas parce que c’est quelque part habité ou parce que les paroles ont un sens, un fond. Elle te bluffe par la mélodie, par le son. La première fois que je suis tombé sur une chanson d’Oasis, c’était "Supersonic" qui est incroyable. J’étais à la renverse. Depuis, j’ai vu leur tronche et je ne peux pas m’empêcher d’y penser en les écoutant.
10. Nada Surf - "Popular"
S.T-G. : Je ne connais pas ça.
B.C. : Moi, je connais, c’est...
J-P. : Nada Surf (au bout d’une bonne minute)
S.T-G. : Putain que c’est efficace avec ces moments calmes et ces moments déchaînés.
B.C. : Je ne pense pas que l’efficacité soit à tout prix une des principales qualités d’un morceau. La principale qualité est la sensibilité, la force qui peut être mise dans la chanson. Et puis, l’efficacité est une valeur difficile à mesurer. Je pense que dans le monde du rock, tout le monde veut faire quelque chose de fort, mais certains vont pas forcément chercher à être populaire.
11. The Presidents of the USA - "Ca plane pour moi"
J-P. : "Ca plane pour moi" (rire général)
S.T-G. : Oui, bon, qu’est-ce-qu’on fait maintenant, on va l’écouter jusqu’au bout ? (le morceau fait à peine trois minutes) J’ai vu le groupe à la télé qui disait que c’était une vaste rigolade qu’ils aimaient reprendre sur scène, spécialement en Europe où le titre est populaire dans sa version originale. Même les Sonic Youth en ont fait une reprise §
B.C. : Ouais, quand même, cette reprise, c’est un peu aux premiers qui n’y pensent pas ! Cela dit, ce sont les premiers mots en français que j’entends dans ce blind test... et, ironie du sort, c’est un groupe américain qui reprend "Ca plane pour moi" ! Ce morceau, ça a été le premier produit punk. Le truc vraiment français manufacturé punk par des gens qui s’occupaient plutôt de la variété française. Le truc vraiment produit. Tu vois le mélange, français-belge en plus !
12. Jeff Buckley - "Eternal life"
S.T-G. : (deux minutes plus tard) putain ce riff de hard !
B.C. : Ca c’est Jeff Buckley. J’allais dire que j’aime bien comment il chante, c’est ce qui distingue le morceau. Ca commence par un de ces trucs les plus anodins du rock qui soit avec ce riff grossier, mais c’est par la voix que le morceau monte en puissance.
13. Sloy
B.C. : (en un éclair de seconde) Ah, enfin un truc français dans ton blind test. Tiens, je crois qu’on les aurait retrouvé parmi des milliers. Ce qu’ils font est super.
D. : Blind test, c’est bizarre cette expression, ça se traduit comment en français ?