«Nous avons de la chance d'être toujours là.»

Il y a quatre ans, Kat Onoma proposait un inventaire remanié de son itinéraire. Le groupe sort aujourd’hui un nouvel album éponyme un poil plus serein qu’à l’accoutumée. Rencontre avec ses deux auteurs principaux, Rudolphe Burger et Philippe Poirier.

Kat Onoma n’est pas tout à fait ce groupe crispé et sérieusement intellectuel qu’on imagine. Ses fans, qui ont su repérer les quelques clins d’œil humoristiques disséminés le long des albums, le savent pertinemment. Mais ils sont bien les seuls. Aussi le groupe prend-il aujourd’hui les devants et s’amuse à casser sa rigide image via l’introduction du nouveau disque. L’espace d’une trentaine de secondes, on entend des voix anglo-saxonnes (celles d’un chœur gospel britannique) s’escrimer à prononcer correctement le nom étrange de ce groupe curieux. Catatonie ? Non, Kat Onoma. En dépit d’un parcours difficile, cette formation atypique dans le paysage du rock hexagonal, qui mêle, pour résumer, influences new-yorkaises et blues urbain, esprit libre jazz et prose littéraire, n’a jamais été réduite à l’état d’inertie ou de passivité créative.
En suspens depuis quatre ans, Kat Onoma vient de reprendre sa route. Cette longue interruption a permis à Burger et Poirier de cultiver leurs jardins solos respectifs. Mais pour les deux hommes, il n’était pas question de mettre un terme à une aventure commencée il y a presque quinze ans. En 97, le groupe avait choisi de boucler un cycle en publiant un album live. Intitulé , l’exercice ne concédait rien à la paresse et témoignait de leur volonté à continuer à regarder de l’avant.

Pour Philippe Poirier « il était intéressant de revoir les anciens morceaux avec cette expérience et cette autre façon de jouer (acquise au fil des années). Nous ressentions autant de frénésie à découvrir quelque chose de nouveau dans un ancien titre que d’en créer un neuf. »De son côté, Rudolphe Burger, rassuré de pouvoir considérer ces disques avec fierté, réalisait « que le groupe avait du pot d’être toujours là ».

Kat Onoma a toujours fonctionné au jugé, maintenant un minimum de parti pris sans forcément savoir où se diriger ni quel chemin prendre. Pas facile d’avancer, donc. Mais le temps a montré que les choses fonctionnaient, souvent après coup. Le jeu des cuivres et des deux guitares, notamment, a fini par trouver une place. Résultat, le groupe a gagné suffisamment en sérénité pour se laisser aller plus librement qu’auparavant. Sans, pour autant, déborder aujourd’hui d’assurance.

Philippe Poirier : « Lorsque nous avons abordé cet album, on se demandait ce qui allait surgir de la remise en forme du dispositif entamé. Nous y avons été doucement au début. C’était plus un état d’attente. Une situation assez calme. »
Rudolphe Burger : « Si nous étions sereins ? Pas trop. Juste ce qu’il faut. Nous étions prêts à laisser s’ouvrir le processus car nous n’étions pas convaincus nous-mêmes de faire une chose plutôt qu’une autre. On peut comparer le choix des titres d’un album à une course de chevaux. C’est marrant. Il y a des morceaux qui paraissent perdus au premier abord. Personne ne mise sur eux quand, tout à coup, ils reviennent très fort. A la dernière étape, celle du mastering, nous avons assisté à des surprises incroyables. »
Philippe Poirier : « A l’inverse, certains titres se perdent. Artificial Life, par exemple. Au départ, je considérais carrément ce titre comme le meilleur du nouvel album. Mais il n’a pas sonné et s’est lamentablement effondré à l’écoute du mix. Maintenant, il n’a pas dit son dernier mot et va revenir en live. »

Treize titres ont finalement été sélectionnés sur , ce nouvel album plus accessible et presque fluide.
Rudolphe Burger : « On aime l’idée d’un défilement, d’un album qui s’écoute comme on regarde un film. Mais cette fois-ci, nous avons suivi la logique de chaque titre jusqu’au bout, sans se poser de problème de cohérence générale. Family Dingo est, comme son titre l’indique, totalement dingo. On bat notre record de vitesse. Pour un groupe réputé lent et sinistre, ce titre devrait surprendre. »
Philippe Poirier : « En revanche, Magic, qui est très lent, s’inscrit vraiment dans l’identité katonomesque. Soit quelque chose d’immensément lent et sombre qui vient se déposer au plus bas de tout ce que l’on peut imaginer (rires). J’exagère mais il est vrai que ce titre a une identité très forte, très belle. A l’inverse, Tragic Muse est extrêmement joyeux. Il a une allure presque rhythm & blues. »
Rudolphe Burger : « Idéal pour faire des boums et danser ».

Plus varié et fluide que par le passé, « Kat Onoma » reste avant tout le disque sérieux d’un groupe qui, sans renier son style, semble avoir trouvé l’ouverture vers un public plus large.