"Lenne"

"Talan Jo Megis Az Ember" (L'Homme est peut être bon, malgré tout)

 

Titre : Traduction :
01 - Adatott a été donné
11:23
02 - pillanat " instant
16:09
03 - Nélkül sans
04 - Nélkül sans
05 - Nélkül sans  
06 - Nélkül sans Totale de Nélkül : 21:06
07 - Felfele Ascension
9:13

 

"Lenne" est le second volet d'un cycle entamé en 2001 avec "Kebelen" et dont le troisième chapitre est prévu à l'automne prochain.

 

Akosh S Unit :

peinture : Christophe Bonacorsi Akosh S. : Saxophones tenor & soprano, clarinette basse, flûtes, kalimba, bombarde, chant
Joe Doherty : Violon, flûte, saxophone alto & clarinette basse
Philippe Foch : Batterie et percussions
Bernard Malandain : Contrebasse
Mokhtar Choumane : Ney & Kaval (Flûtes turque et arabe)

 

 

Le refus des frontières

Sortie de Lenne par le saxophoniste hongrois Akosh, un melting-pot harmonique qui dépasse les bornes musicales. Une légende amusante : en observant le vol des mouches sur le plafond de sa chambre, le philosophe René Descartes, musicien à ses heures, aurait eu l'idée de décrire leur mouvement par un repère quadrillé. Gageons qu'Akosh, dans une même situation, songerait d'abord à les rejoindre en vol !

Lenne, son dernier disque, est ainsi tricoté de loopings, de chassés-croisés, de vrombissements, de changements de rythmes impromptus, comme les mille et une variations d'un vol collectif de coléoptères. Patchwork d'enregistrements live et de chutes de studio opérés au sein de sa formation Unit, cet album est le deuxième volet d'un cycle entamé en 2001 avec Kebelen, son précédent.

Akosh y scelle, dans un creuset qui n'appartient qu'à lui, une alliance hybride entre le free jazz de New York, la musique traditionnelle hongroise, parsemée de bribes de sa myriade d'expériences musicales, allant de la musique expérimentale française au gnawa marocain. Cet espace, qu'il tient à laisser ouvert aux quatre vents, Akosh le défend de toutes ses forces, au mépris des classifications raisonneuses. Les membres de son groupe, Unit, s'y croisent sans se chasser, modifiant au coup par coup leur direction, sans que ne se délite le clair mouvement de l'ensemble. Ici, les comparses égrènent une note unique en longues respirations, tandis que leur mentor y enroule des sarabandes de saxophones. Plus loin, un court silence est rompu par des coups de tambour cardiaque, une flûte orientale leur emboîte le pas en mélopée, peu à peu rejointe par le chour des instruments. Partout, Akosh s'appuie sur la pulsation de ses complices : la mélodie se fait répétitive, hypnotique, lui s'époumone en plein délire. On pourrait craindre une cacophonie, et c'est le contraire qui se produit, le temps se contracte à son écoute sous l'effet d'une harmonie discrète, l'esprit se laisse aller à oublier la pendule pour mieux suivre cette anarchie curieuse.

A l'écoute de ce phénomène d'album, on comprend mieux la force de conviction de ce musicien hongrois, transfuge d'au-delà du rideau de fer en 1986, se fiant à sa musique, à ses rencontres, pour se constituer un réseau d'amitiés lui permettant d'exercer son art en liberté. Akosh vit en France, joue en France, et n'a jamais songé à se faire naturaliser français. " Il y en a marre des papiers ", confiait-il en 1999. Il venait de participer à un concert de soutien au GISTI, le Groupe d'information pour les travailleurs immigrés. Akosh saute par-dessus le rideau de fer, Akosh méprise le rideau invisible qui sépare, dans les rues des capitales occidentales, les hommes à papiers de ceux qui n'en ont pas. Akosh se moque des bornes qui séparent les plages musicales de son dernier CD, et décide de donner le même nom (Nélkül) à trois morceaux différents. Akosh n'aime pas les rayons qui séparent les linéaires des bacs de disques, et accueille d'un gros rire, ou d'un froncement de sourcils, selon l'humeur, ceux qui lui disent qu'il fait du " jazz ".

Akosh n'est pas un grand ami des frontières, Unit, son OVNI musical, joue en première partie du groupe de rock Noir Désir de son ami et chanteur Bertrand Cantat. Comme Cantat, Akosh est un artiste Vivendi Universal. Comme lui, il multiplie les pieds de nez à sa maison de disques. Le dernier en date ? Depuis quelques mois, cet immense garnement vend sous le manteau, sur un stand fiché à ses concerts, le disque autoproduit Kaloz I (" pirate ", en hongrois), qui fait, à sa manière, une concurrence à ceux de Jean-Marie Messier. Son dernier disque, Lenne, sur la pochette duquel le cri d'un homme rompt la bulle qui l'entoure, prolonge ce refus des carcans musicaux. Akosh rejoint le rythme des morceaux en cours, les syncope, les détraque, pour prolonger l'effet de découverte, pour ne jamais se laisser aller à la routine. Parfois, un de ses acolytes, sorti du rang, caracole un peu à ses côtés, avant de rejoindre docilement l'attelage rythmique. Parfois non. Inutile d'y rechercher un code, Akosh l'a décrété : c'est peine perdue que de vouloir quadriller le vol d'une mouche.

Gaël Villeneuve - 01 Juin 2002 - http://www.humanite.presse.fr

 

La musique d’Akosh, exilé de Hongrie à l'âge de vingt ans, au milieu des années 8O, des fantasmes de liberté hurlant à flots continus de son saxophone ténor, est une musique nomade rêvant d'embrasser tous les lieux et toutes les cultures du monde en un geste qui serait totalisant sans être totalitaire...

Et si cet exil est bien fondateur c'est dans ce mouvement paradoxal qui exalte, dans la rupture, une appartenance à un terroir, et ouvre simultanément sur l'étendue. Cette tension est au coeur de la musique du saxophoniste, générant une sorte de baroquisme esthétique qui résulte de ce paradoxe et met en scène, dans le choc des cultures qui s'embrasent et se métamorphosent au contact les unes des autres, un véritable chaos-monde, est à mille lieues du fantasme syncrétique de la World Music...

La musique d'Akosh refuse de simplifier la vie des hommes en signes, de l'abstraire, de la numériser ; sa démarche est inverse : exprimer la présence du monde et ce qu'il en est alors de la présence au monde...

D'où cette musique opaque, de matières brutes traversées de flux souterrains, sombre, tourmentée, mystérieuse, épaisse, compacte... D'où cette tension constante et irréductible entre des structures, des rythmes, des mélodies, issues d'un terroir, d'une mémoire, d'une culture (sa Hongrie natale) et le jazz, cette musique impure et illégitime, fruit des copulations les plus insensées, qui n'appartient en propre à aucun lieu précis, qui est l'espace même de la déterritorialisation, ancrée par nature dans l'exil... C'est cette complexité que la musique d'Akosh entend humblement, simplement, incarner.

Son nouvel album Lenne, paru le 17 mai, est le second volet d'un cycle entamé en 2001 avec Kebelen et dont le troisième chapitre est prévu à l'automne prochain.

Stéphane Ollivier - 31 Mars 2002 - http://www2.lesinrocks.com

 

Si on associe souvent Noir Désir et Akosh S. c’est bien parce que Bertrand Cantat, le chanteur du groupe français, s’est pris d’affection et est littéralement tombé sous le charme du saxophoniste de talent découvert il y a quelques années.

Akosh S. est fascinant. Ses improvisations sont d’une force incroyable. Le style free est un cri de liberté qu’il pousse comme par désespoir. Dans ce nouvel album, le violon rivalise avec le djembé de Philippe Foch ou la flûte de Mokhtar Choumane et de Joe Doherty. La musique est métissée et endiablée.

Entrez dans la ronde sans retenue.

Christian VINCENT - La voix du Nord