Après plus dun an de silence et, pure coïncidence,
juste quelques jours après la méga-marketée tekno parade, cest dans
un hôtel du Pigalle côté jardin, que nous retrouvons, frais et pimpants,
les quatre guerriers bordelais. Que dans la chambre de Jean-Paul et Denis
aux murs, rideaux, moquette et meubles dun vert carrément bad karma,
nous installons les vivres et oublions, quelques cassettes durant, ce triste
mercredi sous la pluie. Le temps du moins de refaire le monde en sirotant
une blonde, de parler de grand Tout et de tous petits riens et de mentionner
dans la foulée, la sortie imminente de leur nouvel opus, tout en remixes
électronix. Attention Trance-Action à caractère répétitif.
Par Stephane Hervé / Photos Vincent Bouchard
SLOY
En 1988, Sloy nexiste pas encore mais Armand, Virginie et Cyril
accueillent avec enthousiasme Veuillez rendre lâme,
second album des Bordelais et succès commercial incontournable. 10 ans
plus tard, le trio dépileptique rock reprend Les Ecorchés
pour le tribute à Noir Désir. Explications dArmand (voix et guitare)
: Le texte de cette chanson est très fort. Il parle de la came avec
une sensibilité exceptionnelle ! A lépoque des Ecorchés,
on avait 17 ans. On était fans de Gun Club alors. Et puis, sur scène,
ils ne trichaient pas, ils étaient humains. En concert, je les prenais
pour des vaudous ! Sloy refusant toute facilité, il se lance
alors dans une entreprise périlleuse : sampler le riff de guitare et la
voix de Cantat sur Les Ecorchés pour ensuite les intégrer à un morceau
100 % Sloy. Mission accomplie et une reprise atypique, brillante, validée
par Noir Désir : Ce qui a plu à Sergio, le guitariste, cest
le mélange, quil y ait autant déléments à nous quà eux
dans cette reprise. Nous sommes, en tout cas, très satisfaits du résultat
obtenu. Cest un bon morceau de Sloy. On confirme.
E.C.
ANDREJ
Andrej, linstigateur de
One Trip One Noise, nest pas un inconnu de la scène
rock yougoslave : à 26 ans, il a déjà fait partie du groupe B.A.A.L. pendant
6 ans (un album et près de cent concerts, dont une grande partie en temps
de guerre) avant de sortir deux albums solo (de drum & bass/ambient/electro),
de réaliser des musiques de théâtre, de télévision ainsi que 4 bandes
originales de films, dont deux (Package et Buy Me An
Eliott) ont déjà reçu des prix internationaux. Cest dans un
superbe français à laccent chantant que le jeune prodige nous explique
son histoire. Je ne connaissais pas Noir Désir, javais juste
vu le clip de Tostaky à la télé il y a très longtemps et puis je suis
tombé par hasard sur 666 667 Club en découvrant que mon ami
le violoniste Layko Felix avait participé au disque. Jai beaucoup
aimé Septembre en attendant, le morceau basse/voix mais javais le
sentiment que le titre nétait pas fini, alors jy ai ajouté
des rythmiques et des arrangements à ma façon, puis jai décidé denvoyer
une K7 et un petit mot au groupe, en leur expliquant que cétait
un cadeau. Quelques mois plus tard, jai eu Bertrand au téléphone
et il ma dit quils avaient joué le morceau lors dun
concert à Bordeaux en pensant à moi, ce qui ma beaucoup ému et on
a décidé de rester en contact. La situation en Yougoslavie (Tous
les jours, on attend les avions de lONU) et les diverses activités
dAndrej ne facilitant pas les choses, il perd les coordonnées de
Bertrand, mais son ami Vuk retrouve celles du manager de Noir Désir et
laventure continue
Au téléphone, ils mont expliqué
que le remix plaisait beaucoup à Barclay, quils cherchaient un moyen
den faire quelque chose et lidée de One Trip One Noise
est arrivée tout de suite après. Noir Désir invite alors Andrej
à venir retravailler le remix en studio à Paris. Jétais un
peu impressionné parce que je ne savais pas que Noir Désir était aussi
connu que ça en France, ici on ne connait que La Mano Negra et Les Négresses
Vertes. Andrej se procure une photo du groupe 4 jours avant de partir
et déboule au Studio Antena avec la ferme intention de travailler dur
comme fer. Je navais pas envie de jeter largent par
la fenêtre dans un hôtel et tout ça, alors je suis allé chez des amis
à partir du deuxième jour à Paris et on a aussi remixé Fin De Siècle,
parce que deux jours pour un remix
cest presque trop.
La collaboration entre Noir Désir et Andrej étant des plus fructueuses,
les Bordelais décident de jouer sur scène les deux titres avec leur amis
Yougoslaves pour le concert Viva Zapata, tout un symbole
On a eu un peu de mal parce quon na pas eu le temps
de se préparer pour jouer les samples alors jai fait tourner quelques
trucs préprogrammés et il y avait des choses qui bougeaient un peu en
tempo, parce que Noir Désir, cest un groupe, pas des machines, tu
vois
mais bon, cest une expérience inoubliable a cause de
lénergie quil y avait ce soir-là.
et une nouvelle
fois, cest lart et la volonté des hommes qui nous poussent
à regarder différemment le monde qui nous entoure.
S.H.
YOUNG GODS
Précurseurs, éternels novateurs
et chefs de file de la scène rock électronique (histoire de ne pas parler
de rock indus), les Young Gods se sont prêtés au jeu du remix Noir
Désir, une pratique dont ils furent déjà très souvent les victimes volontaires
sur bon nombre de leur singles. Franz, chanteur/bidouilleur et âme littéraire
des cyber-helvètes nous raconte lhistoire du Fleuve, une déconstruction
de rêve dans la lignée de son projet solo. Remixer est le
genre dactivité pour laquelle jaime prendre du temps quand
je nai rien de prévu du côté Young Gods et comme jaime bien
Noir Désir ça na pas été très compliqué de me décider à participer
au projet. On ma fait parvenir une D.A.T. avec tous les instruments
séparés, mais je savais déjà que je voulais utiliser la voix et pas forcement
dautres éléments rythmiques ou mélodiques. En fait, javais
commencé a travailler avant même davoir les bandes du Fleuve, en
samplant des bouts de toms que jai pris sur le morceau qui était
sur leur album live. Mon problème a été de gérer la façon dont chante
Bertrand, parce que par rapport à lidée que je me faisais du texte
jaurais préféré quil chuchote, alors je lai appelé et
je lui ai demandé sil pouvait rechanter. Il ma envoyé gentiment
bouler et
il ma dit que je navais quà la chanter
moi-même
je ne lai pas fait parce que je voulais relever le
challenge et puis, je voulais aussi garder quelque chose du morceau original !
De son côté, Al, le clavier/sampler/guitariste virtuel et génie derrière
le son des Young Gods et de son virevoltant projet Al Comet, sest,
lui, penché sur le sort de A larrière des taxis. Explications :
Moi, je navais jamais fait de remix mais quand jai rencontré
Sergio à un concert de Al Comet et quil ma parlé du projet,
jai été tenté par lidée de faire une démo à partir dun
de leurs titres. Comme ça leur a plu, jai retravaillé le morceau
mais je me suis plus attaché à rester proche de ma démo que de la version
originale dA larrière des taxis. Au final, le titre nest
plus du tout dans la même tonalité et dans le bon tempo ! Oui,
mais cest ça quon appelle un bon remix
S.H. YANNN TIERSEN
Personnage à part du monde du
rock, si on peu considérer quil en fait partie, Yann Tiersen est
un musicien unique, dont la beauté des travaux mérite le respect, sa traduction
de A Mon Étoile en étant la meilleure preuve. Jétais assez
fan de Noir Désir, pour leur intégrité, leur musique, leur parcours et
jai rencontré Sergio à un de mes concerts à lEuropéen, où
il ma parlé de leur projet. Jai quasiment réécouté tout les
disques de Noir Désir et je me suis arrêté sur 3 titres : A ton étoile,
Les Ecorchés et Septembre en attendant pour finalement choisir A ton étoile.
Ce qui ma plu sur ce morceau, cest le texte, la sensibilité
et la tension et cest un peu pour cela que je nai gardé que
la voix, jai retiré tout le reste et rejoué les autres instruments
à ma manière, avec mon son. Sur ce remix, il y a un peu deux et
un peu de moi, ça ma dailleurs permis dexpérimenter
quelques instruments que je navais jamais utilisés auparavant :
lalto et la guitare. Une relecture de Noir Désir des plus
surprenantes, qui fera peut-être se pencher les fans sur le travail de
cet étonnant Breton.
S.H.
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Un nouveau disque donc, ou plutôt une jolie parenthèse de notre histoire,
né au hasard dune connexion pas comme les autres. Dune vibration
comme aucune autre. Bertrand : Andrej, un musicien
originaire de Voivodine quon ne connaissait pas, nous a fait parvenir,
par le biais dun ami commun, un remixe de notre titre Septembre, en
attendant... Cest un morceau assez basique où il ny a quune
basse et une voix, une sorte de petit poème. Il en a fait un rhabillage
plutôt trip-hop très touchant... Du genre qui saccroche tellement
dans le fond du cur que je ne pouvais plus marrêter de lécouter !
ça a été le déclencheur de tout ce qui allait suivre...
OUVREZ LES PERSIENNES !
Emu par ce présent inattendu, le groupe sempresse détablir
un contact avec le susnommé Andrej Acin. Lidée dun up/down-lifting
artistique des compos du combo, se concrétise...
Tandis quAndrej se voit confier la responsabilité du Lp. Un appel
discret est lancé à tous les lutins musiciens du coin et cest sous
la forme dun blind test, façon épreuve du baccalauréat, que sont
sélectionnées les bandes des quelque trois cents candidats. Huit mois
durant, cest collé aux boomers et aux tweeters de leurs ghettoblasters,
que les quatre redécouvrent, seuls ou ensemble selon les cas, une partie
de leur histoire, revue et digitalisée par une partie de celle de quelques
centaines détrangers...
Bertrand : On avait déjà une petite culture teknoïde avant de se
lancer dans ce projet. Le côté électronique était dans lair et dans
nos têtes depuis longtemps... Pour ma part, cest par des potes hongrois
très amateurs de musiques au sens large, que jy étais arrivé...
La réalisation dun album de remixes nous était déjà venue à lesprit
mais il ny avait jamais eu le truc extérieur pour nous
motiver à le faire !
Denis : On était assez protectionnistes... Pendant longtemps,
on a eu pas mal de complexes à laisser dautres gens toucher à nos
compos...
Sergio : Il nous fallait un déclic ! On ne se sentait pas la
capacité de remixer nous-mêmes nos morceaux. Dans labsolu, on avait
envie de retoucher A larrière des taxis, de le faire plus machines...
Bertrand : ça correspondait bien à cette histoire industrielle de
début de siècle, du début du communisme à Moscou, de la vieille Europe
avant la grande bascule... Comme on est aujourdhui à une autre fin
de siècle, avec la technologie et le futurisme, ça tombait plus quà
point ! Le riff aussi se prêtait bien à ce concept... Puis il y a
eu ce fameux remixe de Septembre en attendant et ce petit mot touchant
dAndrej... La manière dont il a vu ce morceau... Une phrase dont
il nétait pas sûr (Entends-tu les autres qui se battent à
la périphérie ?), avait une double lecture, notamment avec
la Yougoslavie et le fait que lui était à Belgrade... Il la réutilisée,
a rentré ce rythme complètement lancinant et découpé le texte dune
toute nouvelle manière. Quelque chose de magique, quoi ! On a tous
été pénétrés par sa vision ! Cest devenu une vraie histoire,
qui a entraîné plein de trucs et nous a donné envie daller plus
loin. Et malgré toutes nos expériences préalables, malheureuses
ou infructueuses. De là, on a lancé une sorte davis à la population
sans pour autant taper dans la grosse communication : on ne voulait pas
un truc énorme... ça sest su par le biais de la maison de disques
et par le téléphone arabe et cest pour cette raison que lalbum
a mis plus dun an à se matérialiser. On savait que nimporte
qui pouvait prendre nos bandes chez Barclay pour les retravailler... Lantiprotectionnisme
absolu, quoi ! (rire) Mais ça faisait partie du jeu, tout comme la
décision dopter pour la politique du blind test et de faire en sorte
que notre choix soit pur et impartial. Certaines personnes, comme Franz
et Al des Young Gods, ont échappé à cette législation en ce
sens que linfo leur est parvenue directement, mais cest une
exception... On se doutait bien que nos deux univers ne pouvaient que
se croiser ! (rire)
Un travail de longue haleine donc, qui, sil est aujourdhui
gravé, emballé, code-barré et prêt à consommer al dente, nest pas
néanmoins totalement terminé. Reste encore aux quatre gentilshommes à
contacter, remercier et réconforter (?) les nombreux recalés des bacs.
A savoir, tous les ex-locataires de lhôpital FMR (One Eye Jack,
FFF, Ethnician and co), lactuel représentant de la jungle &
core made in Belleville (le puissant Pushy/Mouse Clinic) plus quelques
centaines dautres dici ou dailleurs.
Sergio : Cest la moindre des choses : plein de gens ont bossé
dur à cause de nous ! On tient à leur témoigner à tous notre gratitude
et notre regret de ne pas les avoir choisis mais on ne pouvait pas prendre
tout le monde ! On a reçu plein de trucs où il y avait des passages
excellents mais qui ne le faisaient pas dans leur totalité... On aurait
pu essayer dappeler les artistes concernés et de les pousser à plutôt
exploiter telle ou telle idée mais on ne voulait pas se replonger dans
notre passé. On avait envie que cette histoire nous surprenne et nous
fasse aller de lavant !
ONE TRIP, ONE NOIZE
Au tableau des promus, plus dune dizaine délus plus ou moins
reconnus. Treponem Pal, Sloy, Franz Treichler et Al Comet des Young Gods,
Andrej, Gus Gus, Anna Logik, Yann Tiersen, Replicant, Zend Avesta, Télépopmusik,
Tilos Clan et Pills (uniquement sur le maxi). Une play-list certes variée,
allant de lambient expérimental aux entrelacs celtiques, via le
dub, le jazz, le tribal et les symphonies cinématographiques.
Bertrand: On est très satisfait du résultat final ! Maintenant,
cest vrai quon a fait avec ce quon a reçu et quon
a été un peu déçu de navoir pas une représentation plus complète
de tous les genres musicaux. De navoir rien en hip-hop,
jungle, etc.. Peut-être que linfo na pas trop circulé dans
les milieux carrément underground, pourtant, on a reçu des trucs de partout
et aussi de mecs qui avaient enregistré leurs versions sur lévier
de leur cuisine ! ça nous aurait bien plu davoir un remixe
dAssassin (quils avaient invité à Toulon, sur leur concert-forum
contre Le Pen, la montée du FN, la loi Debré, la fermeture du Sous-marin
de Vitrolle, etc.) mais on ne voulait rien pousser...
Denis : On attendait aussi un remixe de Deus qui ne sest jamais
fait...
Bertrand : On aurait pu passer un coup de fil mais non, ce nétait
pas la règle ! Celle, formelle, de ne sen remettre quau
hasard."
Sergio : Cette démarche nous a permis de découvrir du monde. Par
exemple, je ne connaissais pas du tout Yann Tiersen. Je me suis retrouvé
à un de ses concerts, jai adoré son univers alors je suis allé le
voir pour lui dire que si jamais il aimait notre musique et se sentait
de trafiquer un de nos morceaux, ce serait vraiment sympa... Le résultat
est une version magnifique dA ton étoile, comme je ne laurais
jamais imaginée ! B. : Il fallait quil y ait une
vision qui nous emporte ! Cest très aléatoire mais cest
comme ça quon a toujours fonctionné ! Avant lété, on
trouvait quon navait pas assez de matière... On ne savait
même plus sil fallait sortir un quatre titres avec les trucs dAndrej
ou carrément tout oublier !
LAND OF FREEDOM
Un besoin de doute, de flottement et de remises en question permanents
que Noir Désir ou lun des groupes français les plus gitans de sa
génération, pourrait presque revendiquer, ô comble de lironie, comme
sa marque de fabrique la plus caricaturale. Une angoisse si violente de
tomber dans la sédentarité, quelle laura sans cesse poussé
à mieux se réinventer. A briser les carcans de lestampille facile
et à ne surtout jamais tomber dans le bad trip du devoir musical...
Sergio : On a besoin de se sentir libres, individuellement et en
tant que groupe. La meilleure façon de conserver cette liberté, cest
de navoir jamais la garantie quon va se retrouver pour faire
autre chose ! Davoir toujours besoin de se réévaluer et de
se poser la question de savoir si on est capable ou pas daller plus
loin. Ce nest pas un truc réfléchi mais cest notre manière
à nous de fonctionner... De se quitter, se ressourcer pour mieux
se retrouver. Et à chaque fois, comme par télépathie, sans le moindre
décalage de timing ou de feeling...
Denis : Pourtant, ça aurait pu être catastrophique ! Si on
sétait retrouvés à écouter une trentaine de morceaux en ne tombant
daccord sur rien, cet album naurait pas eu de raison dêtre !
Pour quil existe, il fallait quil soit une synthèse de ce
quon pensait tous les quatre !
Bertrand : Pour sortir quelque chose de Noir Désir, il faut quil
y ait un dénominateur commun suffisamment important, ce qui ne veut pas
dire que dans nos projets personnels, on ne part pas dans des directions
complètement opposées ! On est foncièrement différents... De plus
en plus dailleurs !
Denis : Ce qui nous permet davoir encore plus douvertures !
Bertrand : Parfois, je regrette que nos influences, ethniques ou
autres, ne ressortent pas de manière plus explicite... Elles tombent dans
une poche inconsciente, sont intégrées au reste de la mixture et resurgissent
un jour ou lautre, je ne sais ni comment ni pourquoi... Cet album
par exemple, nous a donné à réfléchir sur dautres façons de procéder,
ce qui ne signifie pas quon va se mettre à fond dans les machines
dès demain matin ! Pour nous, ce disque nest pas un reniement
de notre passé mais il désacralise pas mal de choses et cest tant
mieux !! On est de ce monde et pas dailleurs !
FIN DE SIECLE
La réaction de son public rock et pointu de base, Noir Désir la
depuis longtemps calculée et surtout dédramatisée...
Sergio : Plein de gens vont être super déçus, cest inévitable
mais quest-ce que tu veux quon y fasse ?!
Bertrand : Quon reprenne Maggies Farm de Bob Dylan en
acoustique puisque quand il lavait jouée en électrique, tout le
monde avait hurlé ! (rire) Sérieusement, à partir du moment où on
aime ce quon fait, on ne peut pas tricher ! Si tu te sens en
évolution, la pire tricherie est de tautocensurer et de tobliger
à stagner pour conserver à tout prix, ton public ou fonds de commerce...!
Non ! Limportant est dêtre vrai. Si tu changes et que
les gens ne te suivent pas, cest la vie ! On a de moins en
moins envie de se faire enserrer dans un carcan qui ne correspondrait
pas à cette espèce de masse évolutive quon est tous. Alors cest
vrai quen réaction à tout ça, on a de plus en plus envie de faire
des photos de toutes nos périodes dévolution ou douverture,
quitte à ce que soit profondément schizo ! Plus ça va, plus je regarde
les disques que jécoute et plus il est impossible dy coller
un genre ! On sen fout des genres et de cette forme de censure
culturelle ! Au final, tu nes quun être humain à nu devant
une musique ou une uvre et cest juste ce que tu ressens qui
importe ! On na jamais supporté les chapelles et cest
un problème auquel on est confronté en permanence ! Même quand on
est entièrement en phase avec des aspects militants de lhistoire,
quon se retrouve étiqueté groupe militant et quil
ny a plus que ça qui ressort, ça nous gêne parce quon est
aussi autre chose ! Il faut quon te coince dans un moule, quon
banalise tout. Au final, ton engagement ne sert plus à rien ! ça
ne nous empêche pas de nous dire régulièrement, on en a rien à branler !
et de continuer à nous mobiliser sur les choses qui nous touchent mais
au bout du compte, notre marge est aussi large que le chas dune
aiguille... ce qui ne fait pas beaucoup ! A une échelle qui na
rien à voir avec la nôtre ; prends Brando qui sest mobilisé toute
sa vie pour les indiens dAmérique et sest retrouvé coincé
et harcelé par tous les médias de lépoque parce quil était
Brando ! Je me doute quil devait savoir les remettre à leur
place mais il en a quand même bien souffert... Il a continué, malgré tout,
à dire ce quil avait à dire mais au final et même avec sa personnalité
de monstre énorme, il a été obligé de senfermer dans sa tour divoire
impénétrable, sur son île ! Cest triste mais cest le
système qui veut ça ! Et plus tu es connu, plus on te met la pression
en tentant de te discréditer, de réduire ton discours ou de taccuser
de faire ça pour le marketing ! Comme ce fût tristement le
cas pour Emmanuelle Béart à lépoque de Saint-Bernard...
Bertrand : Pareil ! ça avait été particulièrement dur pour
elle ! Mais on fait partie dune génération qui a appris à douter
de tout et cest notre rôle à tous de réfléchir à la suite de lultra
libéralisme et de la bipolarisation. De savoir sil faut accréditer
la fin de lHistoire, si tous les combats sont finis et si on est
sur le système parfait ! Tout semble indiquer que ce nest pas
le cas, ce qui donne enfin raison à pas mal de gens qui râlent depuis
longtemps...!
TOMORROW NEVER KNOWS...
Absorbé par son implication parallèle au sein dun collectif ethno
free-jazz comme par la co-réalisation du nouveau skeud de Noir Désir,
Bertrand résume en quelques mots rapides, la position actuelle du groupe
quant à ses projets immédiats : Jai été tellement occupé à
gérer tous ces moments de gestation que jen ai été incapable décrire
quoi que soit ces derniers temps !.
Vu la mine inspirée des trois autres gaillards, on devine rapidement que
cest visiblement la même du côté de chez tout le monde. Alors autant
se le dire tout de suite, pour ce qui est de lavenir plus ou moins
lointain du quartette, cest à la Noir Désir, ou de façon top chaman,
que les choses se feront. Ou ne se feront pas. En leur temps, si mère
nature et sieur mescalito le veulent bien. En attendant demain, merci
à eux pour hier et pour aujourdhui. Pour la beauté de leurs rêves,
pour lauthenticité de leur verve, pour leurs actions baston et aussi
pour cette poignante mélancolie. A leurs étoiles à tous et Hasta Luego !
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