Noir Désir dans logo_r.gif (950 octets)logo_a.gif (920 octets)logo_g.gif (935 octets)logo_e(1).gif (934 octets)N°40 novembre 1998


Après plus d’un an de silence et, pure coïncidence, juste quelques jours après la méga-marketée tekno parade, c’est dans un hôtel du Pigalle côté jardin, que nous retrouvons, frais et pimpants, les quatre guerriers bordelais. Que dans la chambre de Jean-Paul et Denis aux murs, rideaux, moquette et meubles d’un vert carrément bad karma, nous installons les vivres et oublions, quelques cassettes durant, ce triste mercredi sous la pluie. Le temps du moins de refaire le monde en sirotant une blonde, de parler de grand Tout et de tous petits riens et de mentionner dans la foulée, la sortie imminente de leur nouvel opus, tout en remixes électronix. Attention Trance-Action à caractère répétitif.

Par Stephane Hervé / Photos Vincent Bouchard

SLOY

En 1988, Sloy n’existe pas encore mais Armand, Virginie et Cyril accueillent avec enthousiasme “Veuillez rendre l’âme”, second album des Bordelais et succès commercial incontournable. 10 ans plus tard, le trio d’“épileptique rock” reprend Les Ecorchés pour le tribute à Noir Désir. Explications d’Armand (voix et guitare) : “Le texte de cette chanson est très fort. Il parle de la came avec une sensibilité exceptionnelle ! A l’époque des “Ecorchés”, on avait 17 ans. On était fans de Gun Club alors. Et puis, sur scène, ils ne trichaient pas, ils étaient humains. En concert, je les prenais pour des vaudous !” Sloy refusant toute facilité, il se lance alors dans une entreprise périlleuse : sampler le riff de guitare et la voix de Cantat sur Les Ecorchés pour ensuite les intégrer à un morceau 100 % Sloy. Mission accomplie et une reprise atypique, brillante, validée par Noir Désir : “Ce qui a plu à Sergio, le guitariste, c’est le mélange, qu’il y ait autant d’éléments à nous qu’à eux dans cette reprise. Nous sommes, en tout cas, très satisfaits du résultat obtenu. C’est un bon morceau de Sloy.” On confirme.
E.C.


ANDREJ

Andrej, l’instigateur de “One Trip One Noise”, n’est pas un inconnu de la scène rock yougoslave : à 26 ans, il a déjà fait partie du groupe B.A.A.L. pendant 6 ans (un album et près de cent concerts, dont une grande partie en temps de guerre) avant de sortir deux albums solo (de drum & bass/ambient/electro), de réaliser des musiques de théâtre, de télévision ainsi que 4 bandes originales de films, dont deux (“Package” et “Buy Me An Eliott”) ont déjà reçu des prix internationaux. C’est dans un superbe français à l’accent chantant que le jeune prodige nous explique son histoire. “Je ne connaissais pas Noir Désir, j’avais juste vu le clip de Tostaky à la télé il y a très longtemps et puis je suis tombé par hasard sur “666 667 Club” en découvrant que mon ami le violoniste Layko Felix avait participé au disque. J’ai beaucoup aimé Septembre en attendant, le morceau basse/voix mais j’avais le sentiment que le titre n’était pas fini, alors j’y ai ajouté des rythmiques et des arrangements à ma façon, puis j’ai décidé d’envoyer une K7 et un petit mot au groupe, en leur expliquant que c’était un cadeau. Quelques mois plus tard, j’ai eu Bertrand au téléphone et il m’a dit qu’ils avaient joué le morceau lors d’un concert à Bordeaux en pensant à moi, ce qui m’a beaucoup ému et on a décidé de rester en contact.” La situation en Yougoslavie (Tous les jours, on attend les avions de l’ONU”) et les diverses activités d’Andrej ne facilitant pas les choses, il perd les coordonnées de Bertrand, mais son ami Vuk retrouve celles du manager de Noir Désir et l’aventure continue… “Au téléphone, ils m’ont expliqué que le remix plaisait beaucoup à Barclay, qu’ils cherchaient un moyen d’en faire quelque chose et l’idée de “One Trip One Noise” est arrivée tout de suite après.” Noir Désir invite alors Andrej à venir retravailler le remix en studio à Paris. “J’étais un peu impressionné parce que je ne savais pas que Noir Désir était aussi connu que ça en France, ici on ne connait que La Mano Negra et Les Négresses Vertes.” Andrej se procure une photo du groupe 4 jours avant de partir et déboule au Studio Antena avec la ferme intention de travailler dur comme fer. “Je n’avais pas envie de jeter l’argent par la fenêtre dans un hôtel et tout ça, alors je suis allé chez des amis à partir du deuxième jour à Paris et on a aussi remixé Fin De Siècle, parce que deux jours pour un remix… c’est presque trop.” La collaboration entre Noir Désir et Andrej étant des plus fructueuses, les Bordelais décident de jouer sur scène les deux titres avec leur amis Yougoslaves pour le concert “Viva Zapata”, tout un symbole… “On a eu un peu de mal parce qu’on n’a pas eu le temps de se préparer pour jouer les samples alors j’ai fait tourner quelques trucs préprogrammés et il y avait des choses qui bougeaient un peu en tempo, parce que Noir Désir, c’est un groupe, pas des machines, tu vois… mais bon, c’est une expérience inoubliable a cause de l’énergie qu’il y avait ce soir-là.”… et une nouvelle fois, c’est l’art et la volonté des hommes qui nous poussent à regarder différemment le monde qui nous entoure.
S.H.


YOUNG GODS

Précurseurs, éternels novateurs et chefs de file de la scène rock électronique (histoire de ne pas parler de rock indus’), les Young Gods se sont prêtés au jeu du remix Noir Désir, une pratique dont ils furent déjà très souvent les victimes volontaires sur bon nombre de leur singles. Franz, chanteur/bidouilleur et âme littéraire des cyber-helvètes nous raconte l’histoire du Fleuve, une “déconstruction de rêve” dans la lignée de son projet solo. “Remixer est le genre d’activité pour laquelle j’aime prendre du temps quand je n’ai rien de prévu du côté Young Gods et comme j’aime bien Noir Désir ça n’a pas été très compliqué de me décider à participer au projet. On m’a fait parvenir une D.A.T. avec tous les instruments séparés, mais je savais déjà que je voulais utiliser la voix et pas forcement d’autres éléments rythmiques ou mélodiques. En fait, j’avais commencé a travailler avant même d’avoir les bandes du Fleuve, en samplant des bouts de toms que j’ai pris sur le morceau qui était sur leur album live. Mon problème a été de gérer la façon dont chante Bertrand, parce que par rapport à l’idée que je me faisais du texte j’aurais préféré qu’il chuchote, alors je l’ai appelé et je lui ai demandé s’il pouvait rechanter. Il m’a envoyé gentiment bouler et… il m’a dit que je n’avais qu’à la chanter moi-même… je ne l’ai pas fait parce que je voulais relever le challenge et puis, je voulais aussi garder quelque chose du morceau original !” De son côté, Al, le clavier/sampler/guitariste virtuel et génie derrière le son des Young Gods et de son virevoltant projet Al Comet, s’est, lui, penché sur le sort de A l’arrière des taxis. Explications : “Moi, je n’avais jamais fait de remix mais quand j’ai rencontré Sergio à un concert de Al Comet et qu’il m’a parlé du projet, j’ai été tenté par l’idée de faire une démo à partir d’un de leurs titres. Comme ça leur a plu, j’ai retravaillé le morceau mais je me suis plus attaché à rester proche de ma démo que de la version originale d’A l’arrière des taxis. Au final, le titre n’est plus du tout dans la même tonalité et dans le bon tempo !” Oui, mais c’est ça qu’on appelle un bon remix…
S.H.
YANNN TIERSEN

Personnage à part du monde du rock, si on peu considérer qu’il en fait partie, Yann Tiersen est un musicien unique, dont la beauté des travaux mérite le respect, sa traduction de A Mon Étoile en étant la meilleure preuve. “J’étais assez fan de Noir Désir, pour leur intégrité, leur musique, leur parcours et j’ai rencontré Sergio à un de mes concerts à l’Européen, où il m’a parlé de leur projet. J’ai quasiment réécouté tout les disques de Noir Désir et je me suis arrêté sur 3 titres : A ton étoile, Les Ecorchés et Septembre en attendant pour finalement choisir A ton étoile. Ce qui m’a plu sur ce morceau, c’est le texte, la sensibilité et la tension et c’est un peu pour cela que je n’ai gardé que la voix, j’ai retiré tout le reste et rejoué les autres instruments à ma manière, avec mon son. Sur ce remix, il y a un peu d’eux et un peu de moi, ça m’a d’ailleurs permis d’expérimenter quelques instruments que je n’avais jamais utilisés auparavant : l’alto et la guitare.” Une relecture de Noir Désir des plus surprenantes, qui fera peut-être se pencher les fans sur le travail de cet étonnant Breton.
S.H.

                       
Un nouveau disque donc, “ou plutôt une jolie parenthèse de notre histoire”, né au hasard d’une connexion pas comme les autres. D’une vibration comme aucune autre. Bertrand : “Andrej, un musicien originaire de Voivodine qu’on ne connaissait pas, nous a fait parvenir, par le biais d’un ami commun, un remixe de notre titre Septembre, en attendant... C’est un morceau assez basique où il n’y a qu’une basse et une voix, une sorte de petit poème. Il en a fait un “rhabillage” plutôt trip-hop très touchant... Du genre qui s’accroche tellement dans le fond du cœur que je ne pouvais plus m’arrêter de l’écouter ! ça a été le déclencheur de tout ce qui allait suivre...”

OUVREZ LES PERSIENNES !


Emu par ce présent inattendu, le groupe s’empresse d’établir un contact avec le susnommé Andrej Acin. L’idée d’un up/down-lifting artistique des compos du combo, se concrétise...
Tandis qu’Andrej se voit confier la responsabilité du Lp. Un appel discret est lancé à tous les lutins musiciens du coin et c’est sous la forme d’un blind test, façon épreuve du baccalauréat, que sont sélectionnées les bandes des quelque trois cents candidats. Huit mois durant, c’est collé aux boomers et aux tweeters de leurs ghettoblasters, que les quatre redécouvrent, seuls ou ensemble selon les cas, une partie de leur histoire, revue et digitalisée par une partie de celle de quelques centaines d’étrangers...
Bertrand : “On avait déjà une petite culture teknoïde avant de se lancer dans ce projet. Le côté électronique était dans l’air et dans nos têtes depuis longtemps... Pour ma part, c’est par des potes hongrois très amateurs de musiques au sens large, que j’y étais arrivé... La réalisation d’un album de remixes nous était déjà venue à l’esprit mais il n’y avait jamais eu le “truc” extérieur pour nous motiver à le faire !”
Denis : “On était assez “protectionnistes”... Pendant longtemps, on a eu pas mal de complexes à laisser d’autres gens toucher à nos compos...”
Sergio : “Il nous fallait un déclic ! On ne se sentait pas la capacité de remixer nous-mêmes nos morceaux. Dans l’absolu, on avait envie de retoucher A l’arrière des taxis, de le faire plus machines...”
Bertrand : “ça correspondait bien à cette histoire industrielle de début de siècle, du début du communisme à Moscou, de la vieille Europe avant la grande bascule... Comme on est aujourd’hui à une autre fin de siècle, avec la technologie et le futurisme, ça tombait plus qu’à point ! Le riff aussi se prêtait bien à ce concept... Puis il y a eu ce fameux remixe de Septembre en attendant et ce petit mot touchant d’Andrej... La manière dont il a vu ce morceau... Une phrase dont il n’était pas sûr (“Entends-tu les autres qui se battent à la périphérie ?”), avait une double lecture, notamment avec la Yougoslavie et le fait que lui était à Belgrade... Il l’a réutilisée, a rentré ce rythme complètement lancinant et découpé le texte d’une toute nouvelle manière. Quelque chose de magique, quoi ! On a tous été pénétrés par sa vision ! C’est devenu une vraie histoire, qui a entraîné plein de trucs et nous a donné envie d’aller plus loin. Et malgré toutes nos expériences préalables, “malheureuses” ou infructueuses. De là, on a lancé une sorte d’avis à la population sans pour autant taper dans la grosse communication : on ne voulait pas un truc énorme... ça s’est su par le biais de la maison de disques et par le téléphone arabe et c’est pour cette raison que l’album a mis plus d’un an à se matérialiser. On savait que n’importe qui pouvait prendre nos bandes chez Barclay pour les retravailler... L’antiprotectionnisme absolu, quoi ! (rire) Mais ça faisait partie du jeu, tout comme la décision d’opter pour la politique du blind test et de faire en sorte que notre choix soit pur et impartial. Certaines personnes, comme Franz et Al des Young Gods, ont échappé à cette “législation” en ce sens que l’info leur est parvenue directement, mais c’est une exception... On se doutait bien que nos deux univers ne pouvaient que se croiser !” (rire)

Un travail de longue haleine donc, qui, s’il est aujourd’hui gravé, emballé, code-barré et prêt à consommer al dente, n’est pas néanmoins totalement terminé. Reste encore aux quatre gentilshommes à contacter, remercier et réconforter (?) les nombreux recalés des bacs. A savoir, tous les ex-locataires de l’hôpital FMR (One Eye Jack, FFF, Ethnician and co), l’actuel représentant de la jungle & core made in Belleville (le puissant Pushy/Mouse Clinic) plus quelques centaines d’autres d’ici ou d’ailleurs.
Sergio : “C’est la moindre des choses : plein de gens ont bossé dur à cause de nous ! On tient à leur témoigner à tous notre gratitude et notre regret de ne pas les avoir choisis mais on ne pouvait pas prendre tout le monde ! On a reçu plein de trucs où il y avait des passages excellents mais qui ne le faisaient pas dans leur totalité... On aurait pu essayer d’appeler les artistes concernés et de les pousser à plutôt exploiter telle ou telle idée mais on ne voulait pas se replonger dans notre passé. On avait envie que cette histoire nous surprenne et nous fasse aller de l’avant !”

ONE TRIP, ONE NOIZE


Au tableau des promus, plus d’une dizaine d’élus plus ou moins reconnus. Treponem Pal, Sloy, Franz Treichler et Al Comet des Young Gods, Andrej, Gus Gus, Anna Logik, Yann Tiersen, Replicant, Zend Avesta, Télépopmusik, Tilos Clan et Pills (uniquement sur le maxi). Une play-list certes variée, allant de l’ambient expérimental aux entrelacs celtiques, via le dub, le jazz, le tribal et les symphonies cinématographiques.
Bertrand: “On est très satisfait du résultat final ! Maintenant, c’est vrai qu’on a fait avec ce qu’on a reçu et qu’on a été un peu déçu de n’avoir pas une représentation plus complète de tous les “genres” musicaux. De n’avoir rien en hip-hop, jungle, etc.. Peut-être que l’info n’a pas trop circulé dans les milieux carrément underground, pourtant, on a reçu des trucs de partout et aussi de mecs qui avaient enregistré leurs versions sur l’évier de leur cuisine ! ça nous aurait bien plu d’avoir un remixe d’Assassin (qu’ils avaient invité à Toulon, sur leur concert-forum contre Le Pen, la montée du FN, la loi Debré, la fermeture du Sous-marin de Vitrolle, etc.) mais on ne voulait rien pousser...”
Denis : “On attendait aussi un remixe de Deus qui ne s’est jamais fait...”
Bertrand : “On aurait pu passer un coup de fil mais non, ce n’était pas la règle !” Celle, formelle, de ne s’en remettre qu’au hasard."
Sergio : “Cette démarche nous a permis de découvrir du monde. Par exemple, je ne connaissais pas du tout Yann Tiersen. Je me suis retrouvé à un de ses concerts, j’ai adoré son univers alors je suis allé le voir pour lui dire que si jamais il aimait notre musique et se sentait de trafiquer un de nos morceaux, ce serait vraiment sympa... Le résultat est une version magnifique d’A ton étoile, comme je ne l’aurais jamais imaginée !” B. : “Il fallait qu’il y ait une vision qui nous emporte ! C’est très aléatoire mais c’est comme ça qu’on a toujours fonctionné ! Avant l’été, on trouvait qu’on n’avait pas assez de matière... On ne savait même plus s’il fallait sortir un quatre titres avec les trucs d’Andrej ou carrément tout oublier !”

LAND OF FREEDOM

 
Un besoin de doute, de flottement et de remises en question permanents que Noir Désir ou l’un des groupes français les plus gitans de sa génération, pourrait presque revendiquer, ô comble de l’ironie, comme sa marque de fabrique la plus caricaturale. Une angoisse si violente de tomber dans la sédentarité, qu’elle l’aura sans cesse poussé à mieux se réinventer. A briser les carcans de l’estampille facile et à ne surtout jamais tomber dans le bad trip du “devoir” musical...
Sergio : “On a besoin de se sentir libres, individuellement et en tant que groupe. La meilleure façon de conserver cette liberté, c’est de n’avoir jamais la garantie qu’on va se retrouver pour faire autre chose ! D’avoir toujours besoin de se réévaluer et de se poser la question de savoir si on est capable ou pas d’aller plus loin. Ce n’est pas un truc réfléchi mais c’est notre manière à nous de fonctionner...” De se quitter, se ressourcer pour mieux se retrouver. Et à chaque fois, comme par télépathie, sans le moindre décalage de timing ou de feeling...
Denis : “Pourtant, ça aurait pu être catastrophique ! Si on s’était retrouvés à écouter une trentaine de morceaux en ne tombant d’accord sur rien, cet album n’aurait pas eu de raison d’être ! Pour qu’il existe, il fallait qu’il soit une synthèse de ce qu’on pensait tous les quatre !”
Bertrand : “Pour sortir quelque chose de Noir Désir, il faut qu’il y ait un dénominateur commun suffisamment important, ce qui ne veut pas dire que dans nos projets personnels, on ne part pas dans des directions complètement opposées ! On est foncièrement différents... De plus en plus d’ailleurs !”
Denis : “Ce qui nous permet d’avoir encore plus d’ouvertures !”
Bertrand : “Parfois, je regrette que nos influences, ethniques ou autres, ne ressortent pas de manière plus explicite... Elles tombent dans une poche inconsciente, sont intégrées au reste de la mixture et resurgissent un jour ou l’autre, je ne sais ni comment ni pourquoi... Cet album par exemple, nous a donné à réfléchir sur d’autres façons de procéder, ce qui ne signifie pas qu’on va se mettre à fond dans les machines dès demain matin ! Pour nous, ce disque n’est pas un reniement de notre passé mais il désacralise pas mal de choses et c’est tant mieux !! On est de ce monde et pas d’ailleurs !”

FIN DE SIECLE


La réaction de son public rock et pointu de base, Noir Désir l’a depuis longtemps calculée et surtout dédramatisée...
Sergio : “Plein de gens vont être super déçus, c’est inévitable mais qu’est-ce que tu veux qu’on y fasse ?!”
Bertrand : “Qu’on reprenne Maggie’s Farm de Bob Dylan en acoustique puisque quand il l’avait jouée en électrique, tout le monde avait hurlé ! (rire) Sérieusement, à partir du moment où on aime ce qu’on fait, on ne peut pas tricher ! Si tu te sens en évolution, la pire tricherie est de t’autocensurer et de t’obliger à stagner pour conserver à tout prix, ton public ou “fonds de commerce”...! Non ! L’important est d’être vrai. Si tu changes et que les gens ne te suivent pas, c’est la vie ! On a de moins en moins envie de se faire enserrer dans un carcan qui ne correspondrait pas à cette espèce de masse évolutive qu’on est tous. Alors c’est vrai qu’en réaction à tout ça, on a de plus en plus envie de faire des photos de toutes nos périodes d’évolution ou d’ouverture, quitte à ce que soit profondément schizo ! Plus ça va, plus je regarde les disques que j’écoute et plus il est impossible d’y coller un genre ! On s’en fout des genres et de cette forme de censure culturelle ! Au final, tu n’es qu’un être humain à nu devant une musique ou une œuvre et c’est juste ce que tu ressens qui importe ! On n’a jamais supporté les chapelles et c’est un problème auquel on est confronté en permanence ! Même quand on est entièrement en phase avec des aspects militants de l’histoire, qu’on se retrouve étiqueté “groupe militant” et qu’il n’y a plus que ça qui ressort, ça nous gêne parce qu’on est aussi autre chose ! Il faut qu’on te coince dans un moule, qu’on banalise tout. Au final, ton engagement ne sert plus à rien ! ça ne nous empêche pas de nous dire régulièrement, “on en a rien à branler !” et de continuer à nous mobiliser sur les choses qui nous touchent mais au bout du compte, notre marge est aussi large que le chas d’une aiguille... ce qui ne fait pas beaucoup ! A une échelle qui n’a rien à voir avec la nôtre ; prends Brando qui s’est mobilisé toute sa vie pour les indiens d’Amérique et s’est retrouvé coincé et harcelé par tous les médias de l’époque parce qu’il était Brando ! Je me doute qu’il devait savoir les remettre à leur place mais il en a quand même bien souffert... Il a continué, malgré tout, à dire ce qu’il avait à dire mais au final et même avec sa personnalité de monstre énorme, il a été obligé de s’enfermer dans sa tour d’ivoire impénétrable, sur son île ! C’est triste mais c’est le système qui veut ça ! Et plus tu es connu, plus on te met la pression en tentant de te discréditer, de réduire ton discours ou de t’accuser de faire ça pour le marketing !” Comme ce fût tristement le cas pour Emmanuelle Béart à l’époque de Saint-Bernard...
Bertrand : “Pareil ! ça avait été particulièrement dur pour elle ! Mais on fait partie d’une génération qui a appris à douter de tout et c’est notre rôle à tous de réfléchir à la suite de l’ultra libéralisme et de la bipolarisation. De savoir s’il faut accréditer la fin de l’Histoire, si tous les combats sont finis et si on est sur le système parfait ! Tout semble indiquer que ce n’est pas le cas, ce qui donne enfin raison à pas mal de gens qui râlent depuis longtemps...!”

TOMORROW NEVER KNOWS...


Absorbé par son implication parallèle au sein d’un collectif ethno free-jazz comme par la co-réalisation du nouveau skeud de Noir Désir, Bertrand résume en quelques mots rapides, la position actuelle du groupe quant à ses projets immédiats : “J’ai été tellement occupé à gérer tous ces moments de gestation que j’en ai été incapable d’écrire quoi que soit ces derniers temps !”.
Vu la mine inspirée des trois autres gaillards, on devine rapidement que c’est visiblement la même du côté de chez tout le monde. Alors autant se le dire tout de suite, pour ce qui est de l’avenir plus ou moins lointain du quartette, c’est à la Noir Désir, ou de façon top chaman, que les choses se feront. Ou ne se feront pas. En leur temps, si mère nature et sieur mescalito le veulent bien. En attendant demain, merci à eux pour hier et pour aujourd’hui. Pour la beauté de leurs rêves, pour l’authenticité de leur verve, pour leurs actions baston et aussi pour cette poignante mélancolie. A leurs étoiles à tous et Hasta Luego !

 


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