Quand Paul Bloas collabore avec le guitariste de Noir Désir

Brest - Serge Teyssot-Gay, guitariste de Noir Désir et le plasticien brestois Paul Bloas seront associés vendredi soir à l’UBO à Brest. Un spectacle mêlant musique, chant et peinture sortira de l’ombre l’écrivain Georges Hyvernaud, auteur de « la peau et les os ».

« La petite Amélie », une peinture de Paul Bloas, est un personnage de « La peau et les os » qui apporte un peu d’espoir. (Photo D.R.)

« La petite Amélie », une peinture de Paul Bloas, est un personnage de « La peau et les os » qui apporte un peu d’espoir. (Photo D.R.)


Prendre pour texte le récit d’un rescapé des « offlag » durant la dernière guerre, l’entourer de musiques étranges, obsédantes et d’atmosphères minimalistes, y associer un des peintres bretons parmi les plus radicaux et puissants qui soient.
Ce projet de longue haleine de Serge Teyssot-Gay, guitariste des célébrissimes Noir Désir, vient d’aboutir. A l’heure où, dans la chanson, le marketing règne en roi, avec, pour innombrables maîtresses, des « produits » standards souvent bêtes à manger du foin, le jusqu’au-boutisme, la rigueur et la force de cette démarche ont quelque chose de rassurant.

Sans concession

« Pour moi le temps n’a pas d’importance, c’est le résultat qui compte », dit l’auteur, qui peaufine cette matière depuis sept ans. Alors que son admirable deuxième CD « On croit qu’on en est sorti » est dans les bacs des disquaires depuis hier, Serge Teyssot-Gay se produira vendredi soir à Brest.
Il y aura de l’événement dans l’air. Seul sur scène, avec pour compagnon un magnétophone, il donnera un spectacle dont la rumeur souligne déjà l’originalité sans concession et la force. A la vérité, le musicien ne sera pas tout à fait seul dans cette singulière aventure qui pousse l’acte artistique (pourquoi crée-t-on, comment, pour qui ?) dans ses derniers retranchements. La scène baignera en effet dans l’ombre tutélaire de Georges Hyvernaud, auteur de « La peau et les os », une chronique de la promiscuité dans les camps de prisonniers qui met la condition humaine à vif, à nu. « C’est un livre ami, qui a tout déclenché. J’en aime la rythmique, le style, facile à lire, à la fois universel et parlant à tout le monde ».

Pas d’artifices

On ne saluera jamais assez le musicien, pour avoir sorti de l’ombre du conformisme l’un des plus admirables écrivains français. Dans cette quête de la vérité des sentiments, des émotions, des sensations, Serge Teyssot-Gay a trouvé un allié en Paul Bloas.
En toute logique, le peintre brestois, proche de Noir Désir depuis 1995, s’est glissé dans cet univers fait d’enfermement, d’aliénation, de renoncement de l’homme à son identité.
« Hyvernaud, puis Serge ont placé la barre très haut, en allant à l’essentiel, au vif. Pour ma part je n’ai pas forcé le tableau, le texte parle de lui-même. J’ai refusé les effets, les artifices. Pour moi la question n’est pas ici de savoir comment représenter un homme, mais plutôt ce qu’est un individu ».

Ce soir à 20 h 30, les deux créateurs seront associés à l’UBO à Brest, en un mélange qui promet d’être particulièrement détonnant. Une rencontre, animée par l’universitaire Yves Moraud suivra un concert qui s’annonce comme un événement.

Jean-Luc Germain - Copyright © Le Telegramme - 10 Novembre 2000