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Comme à l'accoutumée après chaque période discographique, la fin de la tournée de Tostoky coïncide avec une mise à plat de toutes [es frustrations qui existent au sein du groupe. Au final, tout le monde se décide à prendre un peu de recul laissant l'entité Noir Désir de côté durant une année entière. Bertrand Cantat soigne sa voix et reçoit quelques propositions cinématographiques, Frédéric Vidaienc reprend le large, Denis Barthe repart de plus belle avec Edgar de l'Est, alors que Serge Teyssot-Gay se lance à corps perdu dans la composition de son premier album solo.

Revue d'effectif

Courant 1994, au moment où les membres du groupe sont dispersés dans leurs projets personnels, Barclay s'occupe de renouer les liens avec le public en sortant un double album live intitulé Dies Irae. Un tel objet était attendu depuis longtemps, Noir Désir accepte de le sortir : "Comme tous les disques, il faut d'abord qu'on l'aime nous. S'il n'est pas bien et même si le public en veut un, on ne le sort pas. Là, en écoutant les bandes, on s'est dit que c'était bien et honnête de le donner."

Fidèle à l'énergie scénique véhiculée par Noir Désir et reprenant les meilleurs moments de la tournée Tostaky, le disque atteint allégrement tes 200 000 ventes.Alorsquel'avenir du groupe reste plutôt obscur, une chose est certaine : même à terre et au bord de la rupture, la suite de l'aventure bordelaise est plus que jamais attendue.

Automne 95, les membres du groupe se rejoignent enfin pour repartir sur de nouvelles bases. Une fois le collectif réuni, les rancoeurs ne sont pas totalement oubliées et les tensions ne manquent pas de refaire surface. Sur le plan humain, Noir Désir est malheureusement parvenu à ses limites et l'avenir doit être envisagé différemment si le groupe souhaite poursuivre sa route. Serge s'explique sur cette période : "Lorsqu'on est arrivés en studio, on a tout posé, on a mis le groupe en stand-by et on a réfléchi si on continuait ou pas." En définitive, la problématique se résume aux rapports de Frédéric Vidalenc avec le reste du groupe. Celui-ci décide de partir, le divorce est consommé, le premier line-up deNoir Désir a finalement vécu.

Après seulement quelques semaines, un nouveau bassiste fait son apparition dans les rangs. Ami de longue date et roadie du groupe sur les dernières tournées, Jean-Paul Roy prend la place laissée vacante après avoir eu l'occasion d'offrir ses services : "C'est moi qui me suis proposé à eux, mais sans vouloir être trop lourd. Je leur ai dit : si ça peut vous dépanner... "

Le groupe se remet alors au travail et s'apprête à enchainer sur les compositions du prochain album, mais les sentiments de doute continuent toutefois de ronger le collectif. S'immisçant peu à peu entre quelques passages de flottements, le démarrage s'opère doucement, il a au moins le mérite d'être entamé. Noir Désir n'est pas mort. Au final, Jean-Paul Roy rejoint l'un de ses groupes fétiches, ce dernier y gagnera un nouvel élan rythmique et Frédéric Vidaienc se permettra, plus tard, un petit retour aux sources en prenant la quatre corde sur le titre Septembre en attendant, démontrant ainsi que son départ n'efface en rien les liens d'amitiis issus de ces 11 dernières années.

Retour au studio En 1996, l'actualité du groupe débute en réaalité avec la sortie du premier album solo de Serge Teyssot-Gay: Silence radio. Personne n'est pris au dépourvu comme le révèlera Bertrand : "Le disque de Serge ne m'a pas pris en traitre, je connaissais les morceaux, je l'ai même poussé à les enregistrer. lis étaient trop personnels pour le groupe." En ce début d'année, Noir Désir peaufine d'ailleurs ses nouveaux morceaux et Bertrand termine l'écriture des textes. Suivant une énième période de remise en question conclut par le départ de leur manager (Jean-Marc Gouaux, Ndld) Noir Désir entre en studio à la mi-juillet après avoir pris soin de mettre de côté certains titres comme l'expliquera Bertrand : "Il y a une première série de compositions qui n'a pas fait l'unanimité au sein du groupe. C'etait trop noir, du genre description de dépression ... C'était chiant. Il y a eu une autocensure."

Pourtant, dès le mois d'août le groupe se retrouve près de Dax, au studio du Manoir. Comme pour Tostoky, Ted Niceley est aux manettes, l'enregistrement peut enfin commencer. En septembre alors que l'album n'est pas encore terminé, Noir Désir revient en force en livrant un premier titre inédit -Fin de siècle- à l'intention de la compilation des lnrockuptibles. À la fin du mois, la réalisation de 666.667 club est arrivé à terme, en octobre le groupe part au lapon pour le tournage du manganesque clip d'Un jour en France avec le préposé habituel : Henri-jean Debon. De retour de son escapade asiatique, le compteur des ventes du nouvel album s'affole net et Noir Désir s'enferme en studio de répétition afin de préparer au mieux sa prochaine tournée.

Arrivé dans les bacs en octobre 96, le disque atteindra les 700 000 exemplaires vendus et constituera, sans conteste le plus gros succès commercial du groupe. Dans le mêmç temps, le retour de Noir Désir sur scène est attendu par tous les aficionados du quatuor. Pour cela, les Bordelais feront les choses en grands avec une tournée impressionnante qui atteindra son sommet lors de la venue du groupe à Bordeaux, le 14 juin 1997. À cette occasion, Noir Désir organise un concert en plein air devant 25 000 personnes sur le site de l'ancienne gare et invite une douzaine de jeunes combos de la réiion à partager la scène avec eux. Inoubliables ou grandioses, les prestations du moment marquent les esprits. Au fil des années écoulées le groupe n'a rien perdu de sa hargne rebelle et continue bel et bien de donner sans compter.

2001 en attendant

Été 98, la tournée prend fin, le bilan est au beau fixe et il faut vraiment chercher loin pour trouver une quelconque trace d'insatisfaction. Sûrement épuisé, le groupe prend pourtant le parti de se retirer dans un certain mutisme. Fin octobre, Cantat se produit en solo sur la scène du Bataclan avec les 16 Horsepower pour une reprise criarde du Gun Club (Fire Spirit). Le 1 novembre 98, le groupe toujours off fait pourtant une apparition remarquée dans es travées des disquaires avec la sortie de one Trip One Noise. Certainement voué à remplacer l'arrivée du traditionnel Best Of ce nouveau projet rassemble un ensemble d'artistes invité à remixer une sélection de titres le Noir Désir, toutes périodes confondues. Cette compilation parvient à éviter toute démagogie, les grosses têtes d'affiche ne sont pas de la partie et c'est tout naturellement que Noir Désir laisse ses morceaux entre les mains de Sloy, Treponem Pal, Yann Tiersen, Young Gods ou Gus Gus...

En 1999, Noir Désir reste dans l'ombre alors que Bertrand continue à faire parler de lui (concerts avec Akosh.S, participations aux albums de Yann Tiersen et Denez Prigent). Dans le courant de l'année, de nouvelles rumeurs insistantes font état d'une possible séparation du groupe. Il faudra attendre le mois de novembre 99 pour être définitivement rassurés. Une dépêche tombe alors :

Bertrand, Denis, Serge et Jean-Paul sont au Maroc et débute la composition d'un nouvel opus. En l'an 2000: Noir Désir remonte sur scène pour quelques interventions, notamment lors de concerts pour le GISTI ou le Sous-Marin de Vitrolles. En mai, le groupe apparait sur Climax, le nouvel album d'Alain Bashung, avec Volontaire: Un titre live inédit. Dès l'automne, les soubresauts de Noir Désir se font encore plus précis avec la sortie de Gratte-Poil, le dernier opus des Têtes Raides. Le combo bordelais apparaît sur le single L'iditenté et donne un air de rock à ces nouveaux héritiers de la chanson française. Le 7 novembre voit la concrétisation finale du 2eme effort de Serge Teyssot-Gay (On croit qu'on 'en est sorti), suivi de près par la sortie En route pour la joie, un coffret de 3 CDs revenant sur l'ensemble de la longue carrière de Noir Désir.

Début 2001, le groupe se réfugie lans le sud de la France pour composer, il est temps de s'atteler à la réalisation du 6eme album, lui devrait logiquement sortir en septembre prochain (soit 5 ans après la sortie de 666.667 club ... ). Pour l'instant, 8 morceaux ont déjà été enregistrés entre Nimes, Carpentras et Paris et album contiendra quelques surprises : un duo vec Manu Chao et la reprise d'un texte inédit de Léo Ferré intitulé Des armes. Au final et comme aucun autre groupe auparavant, Noir Désir aura véritablement marqué le rock français de son empreinte. Plutôt modeste sur le sujet, Bertrand Cantat affiche quand même un brin de liberté légitime sur le parcours effectué : "À une échelle profondément ridicule, dans l'espace dérisoire de la musique française, on a réussi notre coup. L'important, c'est d'avoir réussi à nos propres conditions, de façon intransigeante. "

Entre rage, sensibilité, esprit revendicatif et poésie, le quatuor n'aura jamais tranché. Sans faire de concession, les Bordelais ont su conserver leur crédibilité en déjouant tous les pièges du succès. Loin du monde de la variété et es compromissions, Noir Désir est parvenu à entretenir l'esprit du rock français pendant plus de 15 ans. Merci à eux ...

Rockmag - Mai 2001