"Akosh nouveau dynamiteur du jazz"

Akosh Szelevenyi lève la coude...et s'envoie une bonne rasade d'antibiotiques. Le saxophoniste tient une sale crève. Pour ne rien gâcher, Bernard, le contrebassiste, a réussi à se casser une dent sur...un tartare de saumon. Tant pis, on pansera les plaies demain, à Paris où Akosh, vit depuis dix ans. "dans le quartier de Stalingrad. Un Hongrois à Satlingrad, c'est plutôt marrant," ricane l'Irlandais Joe Doherty (violon, saxo), un ancien des "Sons Of the Desert". Comme Akosh, Philippe Foch (batterie) et Bernard Maladain, résident à Paris. Mais Joe vit à Toulouse et l'Américain Bob Coke (percussions) réside à Redon. Pas facile. Le groupe est pourtant le plus cohérent et sans doute le plus novateur de la scène jazz française. "Les disques ne sont pas là que pour marquer une étape, pour passer à autre chose" sourit Akosh. Pourtant, Polygram vient de sortir simultanément deux excellents albums: le live furieux "Omeko" et un disque studio plus éclectique "Imafa". Auparavant, Akosh avait déjà sorti deux autres albums sur des labels confidentiels.

On a mieux compris le sens des paroles de l'homme aux yeux bleu husky vendredi soir au Museum Café. Dans la douce ambiance rougeoyante du lieu, le groupe balance un son plein, à la puissance tellurique irrésistible. Merveilleux souffleur, Akosh passe en une respiration du chuchotement, de la douce plainte d'un mamifère marin, à la stridence la plus déchirée. Un air folklorique hongrois ou irlandais, un raga indien, une phrase mélodique tribale et obsédante peuvent constituer la base d'un morceau mais Akosh plonge violemment ce socle dans le chaos ou le projette avec grâce dans un univers lyrique et aérien. Il y a là une force vitale, une rage contrôlée et un sens très sûr de la progression dramatique qui transcendent les genres. Pas étonnant qu'ils aient séduit le public de Noir Désir; dont ils ont assuré la première partie l'an dernier.

A propos de leur musique, Joe parle de "free folk form", d'une musique pleine de racines mais à la liberté totale. La définition est parfaite. Sur le côté de la scène, Jean-Louis Brossard, le patron de l'Ubu est venu accompagné de musiciens anglo-pakistanais qui jouent dans son club un peu plus tard. Ils n'en perdent pas le moindre atome. "Le meilleur concert de jazz que j'aie vu depuis 10 ans" assure Jean-Louis. On partage cet avis.

Philippe RICHARD

Article de "Ouest-France", mardi 24 février 1998