Akosh
S. : |
Saxophones
ténor et soprano, clarinette basse, clarinette métal,
gardon, flute, bombarde, kalimba, chant, trombone, trompette. |
Joe
Doherty : |
Violon,
alto, saxophones alto, clarinette basse, flute. |
Bernard
Mandalin : |
Contrebasse
|
Philippe
Foch : |
Batterie,
percussions |
Bertrand
Cantat : |
Chant |
Mokhtar
Choumane : |
Flutes,
Kaval |
Nicolas
Guillemet : |
Saxophone
soprano |
Quentin
Rollet : |
Saxophone
alto |
"Avant
de réaliser cet album, j’avais pas mal de bandes remplies de musique
et ça faisait un bon bout de temps que ça me titillait cette histoire
de studio et de live. Je n’avais absolument plus envie de rentrer
en studio et jouer une musique vivante pour des micros, des murs
et un ingénieur du son. J’étais plus intéressé par l’utilisation
de musique prises en concert. Et je me suis d’ailleurs rendu compte
qu’il y avait une grosse partie de la musique que je défends qui
était mille fois plus intéressante enregistrée en concert."
Akosh
S
|
.
|
Akosh S.
"Kebelen"
Nous voilà
repartis dans les Balkans, à la poursuite d'un folklore qui
n'est pas seulement imaginaire ou cinématographique : ce n'est
pas la suave douceur de "Ederlezi" du "Temps des gitans" de
Kusturica, mais le jazz s'intègre dans cette tradition libre,
orale, dans une folle traversée des musiques des pays de l'Est.
Violente, expressionniste, la musique de ce troisième disque,
dans la production du poly-instrumentiste Akosh Szelevenyi,
nourrit l'espérance de sortir d'un cauchemar puisqu'il préface
ainsi : "Je crois en la femme, je crois en l'enfant, je crois
en un monde et en l'homme. Qui ne font qu'un. Malgré tout".
Après "Imafa"
(Arbre de vie), et "Eletter" (Espace de vie) il est toujours
question de vie dans ce nouvel album, "Kebelen". En hongrois,
'kebelen' veut dire 'au sein' dans tous les sens du terme, de
la matrice protectrice (qui renvoie aux forces telluriques),
aux images d'une femme allaitant ou d'un ami que l'on embrasse.
"Kebelen", dont il faut relever au passage - et cela est important
- la conception soignée de la jaquette, est un album live retravaillé
en studio : cinquante minutes pour cinq morceaux longs, aux
titres traduits (en scannant la page du dictionnaire hongrois-français,
avec les différentes significations) où l'on enchaîne distorsions
électriques, bidouillages électroniques, voix ou plutôt cris
de Bertrand Cantat (un habitué depuis les débuts d'Akosh S.
Unit), vagissements, recherches de dissonances en tous genres,
très longs passages free, alliages originaux du violon de Joe
Doherty, de flûtes en tous genre, d'une clarinette métal et
d'une contrebasse exaltée.
Composée
à partir d'improvisations libres, cette musique traversée des
ombres de l'histoire, et pas seulemnt des tourments du passé,
traduit la tension entre les structures, mélodies, rythmes issus
d'un terroir, d'une mémoire, spécifiques et le jazz. Mais d'où
vient que tout s'enchaîne un peu trop à l'identique et que l'on
s'essoufle vite à suivre les stridences des saxophones, la frénésie
étourdissante, au sens premier du terme, de l'ensemble ?
Sophie
Chambon - Sefronia n°46 - Juin 2001
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Album
après album , Akosh Szelevényi semble toujours porté par la
même urgence mais réussit également à dépasser le cadre de saxophoniste
“ hurleur ” auquel on le limite trop souvent. La preuve
une nouvelle fois avec son nouvel album, fruit d’une maturation
de deux années. Akosh s’y affirme davantage comme metteur en
musique que comme instrumentiste. La construction de cet album
témoigne d’une véritable réflexion sur la création et de l’authenticité
de la démarche artistique d ’Akosh : Celui-ci a tenté ici
de saisir ce qui se dégage de sa musique au-delà d’un enregistrement
événementiel. Le résultat est une suite formée de morceaux jouées
en live , de chutes de studio , de créations pour du cirque
nouveau et de cris d’enfants.
Dès les premières notes on est happé
par un chant très profond , évident, atemporel. Akosh se dit
d’ailleurs très attaché à la musique jouée par les gens simples
et entend resté fidèle aux instruments acoustiques, même s’il
utilise les techniques modernes de montage. Au fur et à mesure
que les instruments(violons ,chants, saxophone baryton) entrent,
la musique se densifie. La construction de ce premier morceau,
“ Korai ”, est si cohérente qu’elle fait oublier le
nombre impressionnant d’instruments utilisés au cours de ces
six minutes inaugurales. Pas de télescopage mais une unité de
bout en bout de l’album. Les transitions entre les différents
morceaux constituent autant de temps forts de l’album, ce qui
est une gageure
Une
musique toujours au bord du cri, avec des tensions tantôt retenues,
tantôt mises à nu. Mais ce n’est pas forcément quand la musique
d ’Akosh est la plus ouvertement rageuse qu’elle est la plus
originale et la plus puissante. La calme introduction de “ Magvak ”
jouée à la sanza(piano à pouces) possède ainsi le magnétisme
d’une berceuse ancestrale. L’utilisation d’instrument folklorique
dépasse ici la seule recherche d’un climat particulier, d’une
couleur qui devrait jaillir de l’instrument comme un génie sort
d’une babouche quand on la frotte. Akosh sait créer le contexte
musical qui rendra cohérent l ’ utilisation de tel ou tel instrument.
De manière très subtile, Akosh fait
progresser sa musique jusqu'à un lieu, au cœur de l’album, qui
déjoue toute tentative de catégorisation. Une atmosphère irréelle
se répand. Les interventions des différentes protagonistes,
fragmentées tout au long de l’album, sont autant de contributions
à la limite de l’anonymat à un propos honnête avant d’être séduisant
Si “ Omeko ”, album formé
à partir de bandes de concerts enregistrés lors de la tournée
du Unit en première partie de Noir Désir, reproduisait l’énergie
brute du live, le présent album, objet très travaillé, reproduit
le sentiment précieux que l’on peut parfois connaître en assistant
à un concert .La surprise extatique qui nous amène à nous poser
une question qui restera en suspens : “ comment est
on arrivé jusque là ”? Un album à écouter d’un seul souffle.
Alexandre
Duval - http://www.axelibre.org/
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Comme tout
travail de Akosh, Kebelen est né de l'obscurité. Le souffle
tellurique qui réveille les mythes du continent est toujours
présent mais désormais plus seul face à une section rythmique
ou accompagné de cordes et d'autres soufflants. Akosh ne se
repose plus uniquement sur l'alchimie acoustique. Il en réfère
à l'électronique et au montage. Dans son travail de démiurge,
Akosh semble s'être attaché les services du cut-up.
Seul face
à sa console, plus proche d'une décision de création, d'un acte
conscient que de l'instant généreusement donné, Akosh a créé
un univers sombre et fantasmagorique. Une pièce d'un seul tenant,
où l'on s'interroge tout du long sur l'âme - chants chamaniques,
enchaînement continu de violon, distorsion électrique et hurlement
de Bertrand Cantat - et où l'on voit la vie s'exprimer sans
inhibition - gazouillis de bébés. Bref, un monde vrai, parfois
cahotique, loin de toute médiatisation, dans lequel se retrouveront
ceux qui aiment le bruit du vent et l'espace de la nuit.
François
Lhomer - http://www.citizenjazz.com
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